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Le tour du monde en 80 jours
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samedi 30 novembre 2013

Pierre Loti - D'enfance et d'ailleurs - Bruno Vercier

"Il y a le désir de l'ailleurs, toujours aussi fort, et il y a les obstacles: sa propre peur et, surtout, les objections des parents, inquiets de voir leur deuxième fils partir au loin comme l'aîné."

"il suffisait de vouloir assez fort, de connaître son désir, et les circonstances se pliaient à votre désir."

"Comme si la peinture pouvait être un à-côté! Alors ce ne fut pas Polytechnique, j'étais nul en mathématiques, mais des études de lettres puis le professorat, sans envie ni grand plaisir."

"Ce goût compulsif du souvenir de voyage, de l'objet fétichisé, porteur rétrospectif de tout un univers, Loti le conservera toute sa vie."

"Maison palimpseste..."

"L'enfant était fasciné par l’Égypte et ses calligraphies qu'il imite ans l'écriture cryptée de son Journal première manière, mais aussi par cette façon qu'eurent les anciens Égyptiens de conserver les morts, l'embaumement."

"Chez Proust, c'est l'association d'idées elle-même, la superposition de la sensation présente et du fragment de passé retrouvé qui donnent l'impression de la réalité, du triomphe sur le temps; pour Loti, retrouver le passé, c'est aussi mesurer tout ce qui le sépare du moment présent, c'est prendre conscience de cette fuite irrémédiable du temps, et donc de la mort qui vient."

"Êtes-vous bien sûr Pierre Loti, que la reine exquise ne va pas être scandalisée de ces amours sauvages? Êtes-vous incapable d'aimer quelqu'un qui soit votre égal, par l'âge, la culture, la couleur de peau? Votre désir ne peut-il aller que vers un(e) autre absolument autre?"

"A son premier contact avec l'Empire ottoman, à Smyrne, en 1870"

"Loti se détourne de Darwin pour se rapprocher de Freud; l'immaturité, qui mène son personnage vers sa fin tragique, est liée pour l'essentiel à l'absence d'un père."

Pierre Loti: D'enfance et d'ailleurs - Bruno Vercier

dimanche 24 novembre 2013

Lettres de...Pierre Loti et le Japon - Jean-Pierre Montier

"Van Gogh, lui, perçoit que le sens de l'ornement, de l'accessoire, du décor est totalement différent au Japon."

"Ce n'est pas au Japon que le nom de Pierre Loti est le plus couramment associé: le personnage de la jeune femme turque, Aziyadé, les paysages du Bosphore et les scènes du monde arabo-musulman viennent plus naturellement à l'esprit lorsque l'on évoque Loti, même s'il s'y mêle encore de nos jours l'erreur que je viens de commettre en suggérant une synonymie entre turc, arabe et musulman, avatar d'une autre confusion qui concerne plus généralement tous les peintres et écrivains dits "orientalistes"."

"Loti n'est ni ethnologue ni géographe, c'est un écrivain, et les seules représentations qui l'intéressent sont au point de convergence entre les images de son for intime et celles que le réel lui fait découvrir."

"Tout se passe comme si la boussole de Loti s'était affolé à l'endroit du Japon:lui, qui par ailleurs aime fréquenter les cimetières ou collectionne les momies de chats égyptiennes, peine à discerner dans les objets japonais qui l'entourent autre chose que du saugrenu et du morbide."

"Toute la merveille de l'exote est là: dans l'éloignement si lointain qu'il permet d'accéder à l'altérité et de se révéler sous une autre apparence!"

"Rien chez Loti ne cadre dans le préconçu. Cet écrivain qui fut élu à l'Académie française contre Zola et presque aussi jeune que Hugo, proclamait qu'il n'aimait pas lire, qu'il préférait cultiver son corps."

Lettre de... Pierre Loti et le Japon - Jean-Pierre Montier

samedi 23 novembre 2013

L'elfe de la rose - Hans Christian Andersen


«Pourquoi ? » demanda-t-elle à l’étudiant assis sur le sofa : car elle l’aimait tant, il savait les plus charmantes histoires et il découpait des images si amusantes : des cœurs, avec de petites dames dedans, qui dansaient, des fleurs et de grands châteaux dont elle pouvait ouvrir les portes. »

Les fleurs de la petite Ida

« Les pivoines se rengorgeaient d’être plus grandes qu’une rose, mais ce n’est pas la taille qui compte ! »

« Oh ! comme cette herbe est douce ! et voyez, la gentille petite fleur avec de l’or dans le cœur et de l’argent sur sa robe ! »

« Pour la motte d’herbe et sa pâquerette, elles furent jetées dans la poussière sur le grand chemin, personne ne pensa à celle qui, pourtant, avait souffert le plus pour le petit oiseau et qui aurait tant voulu le consoler ! »

La pâquerette

« Il y avait un fils de roi, personne n’avait autant de livres, ni d’aussi beaux. Tout ce qui s’était passé en ce monde, il pouvait l’y apprendre et le voir représenté en magnifiques images. Il pouvait se renseigner sur chaque peuple, chaque pays. »

« Sa grand-mère lui avait raconté, quand il était encore tout petit mais qu’il allait commencer l’école, qu’au jardin de Paradis chaque fleur était un gâteau succulent, les étamines donnaient le vin le plus délicat. L’une donnait l’histoire, une autre, la géographie, ou les tables de multiplication, il n’y avait qu’à manger un gâteau, on savait sa leçon. Plus on mangeait, plus on apprenait d’histoire, de géographie et de tables de multiplication. »

« Une femme d’un certain âge, grande et forte, que  l’on eût prise pour un homme déguisé, se tenait près du feu, y jetant bûche sur bûche. »

« Tu es ici dans les grotte des vents, mes fils sont les quatre vents du monde, peux-tu comprendre ça ?
-Où sont tes fils ? demanda le prince.
-Hé ! à question stupide, réponse malaisée, dit la femme. »

« Est-ce le petit zéphyr ? »

« Il avait l’air d’un sauvage, mais il portait un chapeau à bourrelet de feutre pour ne pas se faire de mal. Il tenait à la main une massue d’acajou coupée dans les forêts d’Amérique. »

« Arriva alors le vent du sud, portant turban et cape volante de bédouin. »

« Le jour où ils furent expulsés, le jardin de Paradis sombra sur terre mais il conserva la chaleur de son soleil, sa douce atmosphère et toute sa splendeur. La reine des fées y habite, c’est là que se trouve l’île de Félicité où la mort ne vient jamais, où il est délicieux de vivre ! Mets-toi sur mon dos demain, je t’emporterai. Je pense que ça peut se faire ! Mais trêve de bavardages à présent, je veux dormir ! »

« Vers le soir, quand il fit noir, il fut amusant de voir les grandes villes. Les lumières brillaient, tantôt ici, tantôt là, c’était exactement comme lorsqu’on a brûlé un morceau de papier et que l’on voit toutes les petites étincelles qui font comme des enfants sortant de l’école ! Et le prince applaudit, mais le vent d’est lui dit de cesser et de bien se tenir, au contraire, sinon, il pourrait facilement tomber et rester suspendu à la flèche d’une église. »

« Il prirent alors davantage vers le sud et il y eut aussitôt un parfum d’épices et de fleurs. Figues et grenades poussaient à l’état sauvage, et la vigne sauvage portait des raisins bleus et rouges. »

« Pendaient en longues guirlandes les plantes grimpantes les plus étranges comme on n’en trouve représentées, coloriées et dorées, que dans les marges des anciennes vies de saints ou enlacées aux initiales. »

« Arriva alors la fée du Paradis. Ses vêtements irradiaient comme le soleil, son visage avait la douceur de celui d’une mère heureuse quand elle se réjouit de son enfant. Elle était jeune et belle, et de ravissantes jeunes filles l’accompagnaient, chacune portant une étoile brillante dans les cheveux. »

« « Est-ce sur moi que tu pleures ? murmura-t-il. Ne pleure pas, ravissante femme ! Voici seulement que je comprends le bonheur du Paradis, il déferle dans mon sang, dans ma pensée, je sens en mon corps terrestre une force de chérubin et une vie éternelle. Que la nuit soit éternelle pour moi, une minute comme celle-ci est un pur trésor ! » et ses baisers chassèrent les larmes des yeux de la fée, sa bouche toucha la sienne… Alors retentit un coup de tonnerre si profond, si épouvantable que nul encore n’avait jamais rien entendu de pareil, et tout s’effondra : la fée ravissante, le Paradis en fleurs sombrèrent, sombrèrent profondément, profondément, le prince les vit s’abîmer dans la nuit noire. Ils rayonnèrent bien loin, comme une petite étoile brillante ! Le froid de la mort transperça ses membres, il ferma les yeux et resta longtemps gisant, comme mort. »

Le jardin de Paradis

« Et la reine des abeilles bourdonna en l’air, chantant la vengeance des fleurs et l’elfe de la rose, en disant que derrière le moindre pétale habite quelqu’un capable de dire le mal et de le venger. »

L’elfe de la rose

« -Vous pouvez en inventer un tout de suite, dit le petit garçon. Mère dit que tout ce que vous regarder peut devenir un conte et que de tout ce que vous touchez, vous pouvez tirer une histoire. »

« « L’automne est magnifique ici ! » disait la petite fille, et le ciel était deux fois plus haut, plus bleu, la forêt prit des couleurs du rouge, du jaune et du vert le plus ravissant, les chiens de chasse passaient en courant, des bandes d’oiseaux sauvages volaient en criant au-dessus du tertre où des ronciers s’accrochaient aux vieilles pierres. La mer était bleu noir avec des voiliers blancs et, dans la grange, de vieilles femmes, des jeunes filles et des enfants égrenaient du houblon dans une grande cuve. Les jeunes chantaient des chansons et les vieilles disaient des contes qui parlaient de nixes et de trolls. Ce ne pouvait être mieux ! »

La fée du sureau

« Il y avait une reine puissante qui avait dans son jardin les fleurs les plus ravissantes de chacune des saisons de l’année et de tous les pays du monde, mais c’étaient surtout les roses qu’elle aimait, aussi en avait-elle des espèces les plus diverses, depuis l’églantier aux feuilles vertes fleurant la pomme jusqu’à la plus belle rose de Provence ; elles poussaient contre les murailles du château, s’enlaçaient aux piliers et aux cadres des fenêtres, pénétraient dans les couloirs et allaient jusqu’au plafond de toutes les salles. Et ces roses mêlaient leurs parfums, leurs formes et leurs couleurs. »

« apportez-lui la plus belle rose du monde, celle qui exprime l’amour le plus élevé et le plus pur ! »

« Alors pénétra dans la pièce un enfant, le jeune fils de la reine. Il avait les yeux et les joues pleins de larmes. Il portait un gros livre ouvert, relié de velours, à grands fermoirs d’argent.
« Mère, dit le petit, oh ! écoute ce que j’ai lu ! » Et l’enfant s’assit près du lit et lut, dans ce livre, l’histoire de Celui qui se voua à la mort sur la croix pour sauver les hommes, y compris les générations à naître. « De plus grand amour, il n’y en a pas ! » »

La plus belle rose du monde

«-Certainement ! Tout m’a été donné, dit le rosier, mais à vous, il a été donné davantage encore ! Vous êtes de ces natures pensantes, profondes, un de ces êtres très doués qui étonneront le monde ! »

L’escargot et le rosier

« Et le perce-neige fut remis dans le livre, il s’y sentit à la fois honoré et satisfait de savoir qu’il servait de marque dans le charmant livre de chansons et que celui qui l’avait chanté et rédigé avait aussi été un perce-neige, avait été dupe en hiver. La fleur comprenait cela à sa façon, tout comme nous comprenons chaque chose à notre façon. »

Le perce-neige

L’elfe de la rose – Hans Christian Andersen

Journal d'un mythomane - Vol. 1 - Nicolas Bedos


« « Il m’a foutu un tel cafard que, Vendredi matin, je pars à la recherche de mon fantasme adolescent, Mlle Grubick, délicieuse prof d’anglais dont la poitrine tendue m’avait rendu presque bilingue. Elle était passionnée, passionnante, et toujours à l’affût du moindre gosse un peu paumé, ou noir, ou les deux mélangés… Mais là, je tombe sur une vieille dame ! Les seins balladuriens, les cernes giscardiennes et le cul strauss-kahnien. » Je lui dis : « Madame Grubick, c’est vous… ?! Qu’est-ce qui a bien pu vous arriver ?! »
Elle me dit : « J’ai enseigné pendant trois ans dans un lycée de banlieue… »
Je lui dis :  « Et alors ? »
Elle me dit : « Ben, à la fin, ils parlaient pas un mot d’anglais, mais moi j’parlais arabe ! »
Je lui dis : « Madame Grubick, vous pouvez pas dire ça ? »
Elle me dit : « Oh, j’dis c’que j’veux… Avant j’votais à gauche, aujourd’hui j’suis prête à prendre les armes pour dégommer toutes ces racailles, c’est pas le Kärcher qu’ils méritent, c’est la Kalachnikov ! »
Je me suis éloigné en laissant cette vieille dame mâchouiller sa rancune dans la cour de récré. »

Journal d’un mythomane – Vol.1 – Nicolas Bedos

dimanche 17 novembre 2013

Bérénice - Jean Racine

« Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour
D’un voile d’amitié j’ai couvert mon amour. »

« Adieu : je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage. »

« Madame ; le seul bruit d’une mort que j’implore
Vous fera souvenir que je vivais encore.
Adieu. »

« Que dit-on des soupirs que je pousse pour elle ?
Quel succès attend-on d’un amour si fidèle ? »

« J’ai voulu que des cœurs vous fussiez l’interprète,
Qu’au travers des flatteurs votre sincérité
Fît toujours jusqu’à moi passer la vérité. »

« Elle a même, dit-on, le cœur d’une Romaine ;
Elle a mille vertus. Mais, Seigneur, elle est reine.
Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N’admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d’un hymen contraire à ses maximes. »

« Jules, qui le premier la soumit à ses armes,
Qui fît taire les lois dans le bruit des alarmes,
Brûla pour Cléopâtre, et, sans se déclarer,
Seule dans l’Orient la laissa soupirer.
Antoine, qui l’aime jusqu’à l’idolâtrie,
Oublia dans son sein sa gloire et sa patrie,
Sans oser toutefois se nommer son époux.
Rome l’alla chercher jusques à ses genoux. »

« Bérénice a longtemps balancé la victoire ;
Et si je penche enfin du côté de ma gloire,
Crois qu’il m’en a coûté, pour vaincre tant d’amour,
Des combats dans mon cœur saignera plus d’un jour. »

« Mais sans me soupçonner, sensible à mes alarmes,
Elle m’offre sa main pour essuyer mes larmes,
Et ne pévoit rien moins dans cette obscurité
Que la fin d’un amour qu’elle a trop mérité. »

« Si Titus est jaloux, Titus est amoureux. »

« Vous-même, à mes regards qui vouliez vous soustraire,
Prince, plus que jamais vous m’êtes nécessaire. »

« Pour fruit de tant d’amour, j’aurai le triste emploi
De recueillir des pleurs qui ne sont pas pour moi. »

« Mais moi, toujours tremblant, moi, vous le savez bien,
A qui votre repos est plus cher que le mien,
Pour ne le point troubler, j’aime mieux vous déplaire,
Et crains votre douleur plus que votre colère. »

« Des froideurs de Titus je serai responsable ?
Je me verrai puni parce qu’il est coupable ? »

« La force m’abandonne, et le repos me tue. »

« Et j’ai peint à ses yeux le trouble de votre âme.
J’ai vu des pleurs qu’il voulait retenir. »

« Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ? »

« Que cette même bouche, après mille serments
D’un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,
M’ordonnât elle-même une absence éternelle. »

« Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jours recommence et que le jour finisse,
Sans que jamais Tituts puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ! »

« Ah, Rome ! Ah, Bérénice ! Ah, prince malheureux !
Pourquoi suis-je empereur ? Pourquoi suis-je amoureux ? »

« Vous voilà de mes jours responsable. »

« Puisse le ciel verser sur toutes vos années
Mille prospérités l’une à l’autre enchaînées ! »

« Je l’aime, je le fuis ; Titus m’aime, il me quitte.
Portez loin de mes yeux vos soupirs et vos fers.
Adieu : servons tous trois d’exemple à l’univers
De l’amour la plus tendre et la plus malheureuse
Dont il puisse garder l’histoire douloureuse. »

"Vous êtes empereur, seigneur,et vous pleurez."

Bérénice – Jean Racine

Saules aveugles, femme endormie - Haruki Murakami


« Une brise de mai, gonflée comme un fruit à la peau rêche, à la pulpe onctueuse, aux graines abondantes. »

« Durant ces années, le petit garçon de neuf ans était devenu un adolescent de quatorze ans, et moi j’en avais à présent vingt-cinq. Et cela avait élevé entre nous comme une barrière translucide que nous avions du mal à franchir. »

« Les livres que j’avais lus étaient bien rangés sur les étagères, le lit où j’avais l’habitude de dormir toujours là, proprement fait. Mon bureau et tous les vieux disques que j’écoutais quelques années plus tôt, tout était là, bien en place, mais tout était racorni, sans aucune des couleurs et des odeurs d’avant. Seul demeurait le temps, invincible. »

« Je changeai de position sur ma chaise en plastique et, la joue contre la main, tentai de remonter les couches de ma mémoire. C’était comme si je grattais un bouchon en liège avec la pointe d’un couteau effilé. »

« Les saules aveugles sont pleins d’un pollen très puissant. De toutes petites mouches chargées de ce pollen s’introduisent dans les oreilles de la femme et la font dormir. »

« L’examen attentif d’une oreille humaine vous amène à penser que, comparée à d’autres organes, celle-ci est dotée d’une morphologie quasiment inconcevable. »

Saules aveugles, femme endormie

« Le directeur avait dans les quarante ans bien tassés. Grand, les épaules larges, il avait dû être un sportif accompli dans sa jeunesse. A présent, il commençait à s’épaissir, en particulier autour du menton. Et du ventre. Au sommet du crâne, ses cheveux secs et raides se clairsemaient : il flottait autour de lui une odeur de célibataire endurci, comme du papier journal et des pastilles enfermés ensembles dans un tiroir depuis un certain temps. Elle avait un oncle célibataire qui avait le même genre d’odeur. »

« Le 17 novembre, jour de son vingtième anniversaire, le travail avait commencé comme d’habitude. »

« Même à l’intérieur du restaurant flottait l’odeur de cette pluie de fin d’automne. »

« A vingt ans, on ne vit plus tout à fait dans l’univers des contes de fées. »

« Et l’ombre qui ternissait la commissure des lèvres s’évanouit. »

Le jour de ses vingt ans

« Le premier à avoir passé le gouffre obscur qui sépare la réalité de l’irréalité (ou l’irréalité de la réalité) fut un ami que je connaissais depuis l’université, et qui enseignait l’anglais dans un collège. »

« La femme qui mourut en décembre était la plus jeune. Elle avait vingt-quatre ans. Vingt-quatre ans, l’âge où meurt une révolutionnaire ou une rock star. Une nuit froide et pluvieuse, juste avant Noël, elle fut écrasée dans l’espace tragique (et pourtant parfaitement banal) compris entre un camion qui livrait de la bière et un poteau téléphonique en béton. »

« elle avait aux lèvres un petit sourire suggestif – tel un crépuscule voilé. »

La tragédie de la mine de New York

« Dans ces instants, ses yeux ressemblaient à des lunes blanches à l’aube, flottant au zénith du ciel. »

L’avion ou Il se parlait à lui-même comme s’il lisait un poème

« la chose la plus terrifiante au monde, c’est vous-même. »

Le miroir

« Dans les années 60, quelque chose de vraiment spécial a existé. »

« je préfère les gens plus imparfaits, les gens dont la réalité est plus tangible. »

« Lui faisait partie de l’équipe de foot, elle du club de conversation anglaise. »

Un récit folklorique de notre temps : la préhistoire du capitalisme à son stade ultime

« Parfois, dans le soleil, le thermos argenté miroitait sauvagement, comme la lame d’un couteau. »

« Puis les silhouettes de deux hélicoptères militaires firent leur apparition au large et, semblables aux messagers d’une tragédie grecque porteurs de nouvelles calamiteuses, ils vrombirent dans un fracas assourdissant au-dessus de nos têtes et disparurent à l’intérieur des terres. »

« Nos deux valises étaient posées au pied du lit, comme des animaux blottis craintivement. Ah oui, pensai-je, demain, nous ne serons plus là. »

« Puis je glissai dans ma poche une petite bouteille de Wild Turkey »

« C’était la pleine lune, qui baignait le monde de teintes étranges – différentes de celles du jour. Comme si on avait regardé le paysage à travers un filtre coloré particulier, un filtre qui aurait donné à certaines choses une teinte plus intense qu’elles ne l’avaient en réalité, et qui en aurait rendu d’autres aussi incolores, aussi livides que des cadavres. »

Le couteau de chasse

« C’est seulement quand le type qui vient récolter l’argent pour la distribution des journaux était passé que je m’étais rendu compte qu’un mois entier avait filé. Eh bien oui, c’est la vie. »

Le bon jour pour les kangourous
« Le monde n’était qu’embêtements : dentiste, impôts, crédits pour la voiture, air conditionné en panne… »

« La mort, aussi paisible que des fonds sous-marins, aussi suave qu’une rose de mai. »

Le petit grèbe

« Avant de mettre les pieds en Grèce, nous ne connaissions même pas le nom de cette île située non loin de la frontière avec la Turquie. Par temps clair, on voyait nettement sur la rive opposée les montagnes verdoyantes du continent turc. Et les jours où le vent soufflait un peu fort, plaisantaient les gens du coin, on pouvait humer les odeurs de kébab. Toute plaisanterie mise à part, c’était vraiment l’Asie Mineure qui se profilait sous nos yeux. C’était l’île la plus proche des côtes de la Turquie. »

Les chats mangeurs de chair humaine

« Parfois, je me suis moi-même retrouvé dans cette situation de tante-pauvre-sans-nom. Pris le soir dans la bousculade d’une aérogare, ma destination, mon nom, mon adresse, tout s’était échappé de ma tête. Mais, bien sûr, cela n’avait pas duré longtemps, cinq ou dix secondes tout au plus. »

L’histoire d’une tante pauvre

« Mais ce qu’elles recherchent, c’est que quelqu’un s’intéressent à elles au-delà de leur statut somme tout statique de « petite amie » ou d’ « épouse ». »

Nausée 1979

« Le septième homme resta silencieux un moment et reagrda tous les autres à tour de rôle. Personne ne parlait, personne ne faisait le moindre mouvement, à peine si l’on respirait. »

Le septième homme

« Durum semolina. De la farine dorée, issue de blés cultivés dans les plaines italiennes. Les Italiens, seraient-ils étonnés de savoir que ce qu’ils exportaient en 1971, en réalité, c’était la solitude ? »

L’année des spaghettis

« A partir de maintenant, je ne cuisinerai et ne dégusterai que la nourriture que je désirerai manger. »

Les vicissitudes des piqu’crocks

« La glace possède ainsi le pouvoir de conserver toutes sortes de choses. »

« Des larmes de glace qui coulent sans fin. Et tombent dans notre maison de glace, au pôle Sud, loin de tout. »


L’Homme de glace

« Elle avait vingt-six ans et enseignait l’anglais dans une école privée pour jeunes filles. »

Les crabes

«J’imaginais qu’il détachait ses dents pour les brosser l’une après l’autre avant de les remettre en place. »

La luciole

« En effet, c’était bien là un hasard incroyable. Imaginez un peu : une matinée d’un jour de semaine, sans le café presque vide d’une galerie marchande presque déserte, deux personnes s’installent côte à côte et lisent le même livre. En plus, ce n’était pas un best-seller de renommée mondiale, mais un livre de Charles Dickens. Et pas l’un de ses plus célèbres. Ce hasard étrange et intriguant les prit tous les deux par surprise. Il leur permit également de surmonter la timidité liée à cette première rencontre. »

Hasard, hasard

« Je suis comme un poulet : je fais trois pas et ma tête est vide. Alors j’écris tout. J’ai entendu dire qu’Einstein avait l’habitude de faire la même chose. »

La baie de Hanalei

« C’est plutôt les mots qui ont besoin de nous. »

Où le trouverai-je ?

«Ils entrechoquèrent leurs coupes qui firent entendre un léger tintement sybillin. »

La pierre-en-forme-de-rein qui se déplace chaque jour

« Dites-moi, vous connaissez sûrement l’expression : ‘Trois pas en avant, deux pas en arrière’ pour caractériser la vie humaine, n’est-ce pas ? »

Le singe de Shinagawa

Recueil de nouvelles : Saules aveugles, femme endormie – Haruki Murakami

samedi 9 novembre 2013

Le banquet - Platon


« N’est-il pas étrange, Eryximaque, que pour d’autres dieux il y ait des hymnes et des péans composés par les poètes, et qu’en l’honneur de l’Amour, ce dieu si puissant et si grand, jamais encore un seul poète, parmi tous ceux qui ont existé, n’ai composé le moindre éloge ? »

« l’Amour n’a ni père ni mère »

« l’Amour est un des dieux les plus anciens »

« En fait si les dieux honorent particulièrement cette sorte de vaillance qui se met au service de l’amour, ils admirent, ils estiment, ils récompensent encore plus la tendresse du bien-aimé pour l’amant, que celle de l’amant pour ses amours : l’amant est en effet plus proche du dieu que l’aimé puisqu’un dieu le possède. »

« Si donc il n’y avait qu’une Aphrodite, il n’y aurait qu’un Amour. Mais comme elle est double, il y a de même, nécessairement, deux Amours. Comment nier qu’il existe deux déesses ? L’une, la plus ancienne sans doute, n’a pas de mère : c’est la fille du Ciel, et nous l’appelons Uranienne, ‘la Céleste’ ; l’autre, la plus jeune, est fille de Zeus et de Dioné, nous l’appelons Pandémienne, la ‘Populaire’. »

« Il faudrait même une loi qui interdise d’aimer les enfants : ainsi on ne gaspillerai pas tant de soin pour un résultat imprévisible. »

« Il est une science de cela, qui traite du mouvement des astres en même temps que des saisons de l’année ; elle s’appelle astronomie. »

« Toute impiété vient ordinairement de ne pas céder à l’amour bien réglé, de ne pas l’honorer, lui, le révérer en toute action, mais d’honorer l’autre amour, dans les rapports soit avec les parents vivants ou morts, soit avec les dieux. »

« Je vais maintenant, dit-il, couper par moitié chacun d’eux. Ils seront ainsi plus faibles, et en même temps ils nous rapporteront davantage puisque leur nombre aura grandi. »

« Les moitiés séparées cherchent à se rejoindre. »

« Bel indice, à mes yeux, de sa délicatesse : la déesse ne pose pas le pied sur ce qui est dur, mais sur ce qui est tendre. »

« Tout home en effet devient poète, même s’il a été auparavant étranger à la Muse, quand l’Amour l’a touché. »

« Parce que, pour un mortel, éternité et immortalité sont dans la procréation. Or le désir d’immortalité accompagne nécessairement celui du bien, d’après ce dont nous sommes covenus, s’il est vrai que l’amour a pour objet de posséder à jamais le bien. Il s’ensuit nécessairement de ce que nous avons dit, que l’amour a aussi pour objet l’immortalité. »

« Et cette beauté ne lui apparaîtra pas comme un visage, ni comme des mains ou rien d’autre qui appartienne au corps. »

Le banquet - Platon

vendredi 8 novembre 2013

Apologie de Socrate - Platon


« d’autres, qui avaient plus mauvaise réputation, me paraissaient des hommes plus raisonnablement doués de sagesse. »

« Oui, cet homme m’a tout l’air, Athéniens, d’être un insolent et un mal élevé ; et je crois qu’il m’a tout bonnement intenté ce procès en quelque sorte par insolence, par mauvaise éducation et pas excès de jeunesse. »

« C’est qu’en effet craindre la mort, Messieurs, n’est rien d’autre que croire être sage tout en ne l’étant pas ; car c’est qu’on sait ce qu’on ne sait pas. De fait, personne ne sais ce qu’est la mort, personne ne sait si elle n’est pas justement pour l’homme le plus grand de tous les biens, mais on la craint comme si on était assuré qu’elle est le plus grand de tous les maux. »

« la vertu ne naît pas de l’argent, mais que c’est de la vertu que naissent et l’argent et tout le reste des biens utiles aux hommes, aussi bien privés que publics. »

« La chose a commencé dès mon enfance : il m’advient une voix qui, chaque fois qu’elle m’advient, me détourne toujours de ce que je me propose de faire, mais jamais ne m’y encourage. C’est elle qui s’oppose à ce que je fasse de la politique. Et je dois dire qu’à mon avis elle fait très bien de s’y opposer. Oui, sachez-le, Athéniens : s’il y avait longtemps que j’avais entrepris de faire de la politique, il y a longtemps que je serais mort, et je n’aurais été bon à rien ni pour vous ni pour moi. Ne vous fâchez pas si je vous dis la vérité : non, il n’y a personne au monde qui puisse garder la vie sauve s’il s’oppose loyalement à vous ou à toute autre collectivité, et s’il cherche à empêcher qu’il ne se produise dans la cité de nombreuses injustices et inégalités. Mais nécessairement tout vrai champion de la justice, s’il veut garder la vie sauve ne serait-ce qu’un peu de temps, doit vivre en simple particulier mais non en homme public. »

« ce qui est juste, c’est d’instruire et de persuader. »

« Mais je crains que la difficulté ne soit pas, Messieurs d’échapper à la mort, et qu’il ne soit bien plus difficile d’échapper à la lâcheté, car elle court plus vite que la mort. »

« Mais voici déjà l’heure de nous en aller, moi pour mourir, vous pour vivre. Qui de nous prend la meilleure direction, nul n’y voit clair, excepté le dieu. »

Apologie de Socrate - Platon

vendredi 1 novembre 2013

La place - Annie Ernaux

« J’ai passé les épreuves pratiques du Capes dans un lycée de Lyon, à la Croix-Rousse. »

« Une femme corrigeait des copies avec hauteur, sans hésiter. Il suffisait de franchir correctement l’heure suivante pour être autorisée à faire comme elle toute ma vie. »

« Le soir-même, j’ai écrit à mes parents que j’étais professeur ‘titulaire’. »

« La tête retombait en avant, sur la poitrine nue couverte de marbrures. »

« La coupure de journal donnait les résultats, par ordre de mérite, du concours d’entrée des bachelières à l’école normale d’institutrices. Le deuxième nom, c’était moi. »

« Plus tard, au cours de l’été, en attendant mon premier poste, ‘il faudra que j’explique tout cela’. Je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. Une distance de classe, mais particulière, qui n’a pas de nom. Comme de l’amour séparé. »

« Ce qui le rendait violent, surtout, c’était de voir chez lui quelqu’un de la famille plongé dans un livre ou un journal. Il n’avait pas eu le temps d’apprendre à lire et à écrire. Compter, il savait. »

« Elle a toujours eu honte de l’amour. »

« Il y a l’odeur de linge frais d’un matin d’octobre »

« Devant les personnes qu’il jugeait importantes, il avait une raideur timide, ne posant jamais aucune question. Bref, se comportant avec intelligence. »

« Faire paysan signifie qu’on n’est pas évolué, toujours en retard sur ce qui se fait, en vêtements, langage, allure. »

« les aboiements clairs des chiens en novembre »

« Je lisais la ‘vraie’ littérature, et je recopiais des phrases, des vers, qui, je croyais, exprimaient mon ‘âme’, l’indicible de ma vie »

« Il s’énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui faisait dire que je m’usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne situation et ne pas prendre un ouvrier. Mais que j’aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l’âge. Il avait parfois l’air de penser que j’étais malheureuse. Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au bureau, à l’usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. »

« Travailler, c’était seulement travailler de ses mains. »

« Une autre fois, sa stupéfaction a été sans bornes, de me voir parler anglais avec un auto-stoppeur qu’un client avait pris dans un camion. Que j’ai appris une langue étrangère en classe, sans aller dans le pays, le laissait incrédule. »

« L’Etat m’offrait d’emblée ma place dans le monde. Mon départ de l’école en cours d’année l’a désorienté. »

« Ni inquiétude, ni jubilation, il a pris son parti de me voir mener cette vie bizarre, irréelle : avoir vingt ans et plus, toujours sur les bancs de l’école. »

« Mais n’osant pas non plus avouer que j’étais boursière, on aurait trouvé qu’ils avaient bien de la chance que l’Etat me paie à ne rien faire de mes dix doigts. »

« être capable de citer des titres aussi facilement que des marques de biscuits. »

« Peut-être sa plus grande fierté, ou même, la justification de son existence : que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné. »

La place – Annie Ernaux