L'Histoire de Ronald, le clown de McDonald's suivi de J'ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma tombe - Rodrigo Garcia

"Je n'ai de jugement sur rien. Je traverse des paysages merveilleux et je ne m'en rends même pas compte.
Je vais partir faire le tour du monde: le McDonald's d'Orléans, le concessionnaire Audi d'Amsterdam, l'Yves Saint Laurent de Tokyo, la boutique Nike de New York, le Banco de Bilbao de Rome, le Décathlon de Buenos Aires, le Virgin de Bruxelles, le Body Shop de l'aéroport de Francfort..."

"Je travaille comme clown chez McDonald's. Je donne aux enfants des Happy Meals. Avec des vaisseaux spatiaux, des dinosaures et de la nourriture.

Si un enfant mange ça, bien sûr qu'il va roter ça. 

Car le rot est la communication la plus évidente entre l'appareil digestif et le cerveau, dans la mesure où il naît dans les tripes et il sort par la bouche, c'est-à-dire par la tête. Donc on pense selon ce qu'on mange. Ou, plutôt, selon ce qu'on rote, qui est la synthèse de ce qu'on mange.

Je n'ai rien contre le peuple américain.

Je ne fais qu'étudier les rapports entre les gaz et la communication des gaz avec le cerveau à travers les rots. Et les déformations de la pensée et les déformations de la conduite.

J'ai sérieusement songé à empoisonner les Happy Meals des enfants.

Avec de la mort-aux-rats.

Parce qu'il vaut mieux qu'ils meurent rapidement, ce dimanche, plutôt qu'il passent leur vie à puer de la tête, à puer de la gueule, c'est-à-dire à avoir des pensées qui puent, bordel.

Et les choses que je pense, attention... je les fais.

Ce qui est courant, c'est qu'une personne pense beaucoup de choses et ne fasse rien.

Ou bien qu'elle pense des choses terribles et qu'au bout du compte elle finisse toujours par faire des choses plus ou moins correctes.

Penser qu'on va tuer son patron et lui servir le café.

Penser qu'on va sauter par-dessus le tourniquet du métro et acheter un carnet de dix tickets.

Penser qu'on va frapper un policier, le laisser K.-O. sur le trottoir, et finalement s'approcher et lui demander le nom d'une rue.

Penser qu'on va avorter et finalement décider de l'avoir.

Penser qu'on va mettre le feu à un mendiant et lui donner une pièce.

Penser qu'on va voter extrême droite et ne pas se réveiller ce dimanche-là.

Penser qu'on va être homosexuel, ou au moins bisexuel, et passer sa vie à dormir chatte contre bite.

Ceci est un Happy Meal.

On va l'analyser. Voici les succédanés de laitue, les succédanés de tomate et surtout ce morceau ovale et dur de couleur marron qui voudrait se faire passer pour un bout de vraie viande. A quoi il faut ajouter les liquides jaunes et rouges dont la formule n'a rien à voir ni avec la moutarde ni avec la sauce tomate.

Forcément, le mélange explosif de tous ces éléments placés dans cette petite boîte prodigieuse nommée Happy Meal provoque une grande quantité de gaz nocifs chez l'enfant qui l'ingère, avec une évidente répercussion éructo-cérébrale.

Celui qui mange ça ne pourra plus jamais penser correctement de sa vie.

Et je peux le démontrer scientifiquement.

Voilà pourquoi le mieux est de verser de la mort-aux-rats dans le Happy Meal entre autres.

Et vu que ce que je pense, je répète, je le fais, j'ai acheté trente kilos de mort-aux-rats et je les ai mis dans le coffre de ma voiture.

J'ai mis mon costume de Ronald le clown de McDonald's et derrière, dans le coffre, j'ai embarqué la mort-aux-rats.

Mais j'ai eu des remords en chemin, putain.

Je me suis dit: soyons positif, bordel; il vaut mieux manger ça que de sucer des bites.

Et un enfant en train de manger un Happy Meal n'est pas en train de sucer une bite.

Si tu as neuf ans et que tu vis à Lisbonne, tu vas au McDonald's le dimanche.

Si tu as neuf ans et que tu vis à Cuba, tu vas sucer la bite d'un touriste italien.

Si tu as neuf ans et que tu vis à Bruxelles, tu vas au Mcdonald's le dimanche.

Si tu vis en Bolivie, tu vas à la mine pour les Américains. 

Si tu as neuf ans et que tu vis à Florence, tu vas au McDonald's le dimanche.

Si tu vis en Afrique, tu couds les ballons pour Nike.

Si tu a neuf ans et que tu vis à New York, tu vas au McDonald's le dimanche. 

Si tu a neuf ans et que tu vis en Thaïlande, tu dois te laisser enculer par un Australien.

Après, deux avions se paient deux gratte-ciel et les gens s'étonnent.

Les causes religieuses sont un mensonge de plus.

Vous croyez la propagande politique de la même façon que vous croyez une publicité de Danone.

Une nation croit qu'elle peut dévaster Hiroshima impunément. 

Qu'elle peut ravager économiquement l'Argentine impunément. 

Qu'elle peut bombarder n'importe quel bout de terre impunément.

Et dans sa propagande elle renverse les rôles: ils disent qu'ils sont un peuple blessé.

Des troupes de soldats, des troupes de Donuts, des troupes de Big Macs, des troupes de Levis, des troupes de Philips, des troupes de Hollywood...

Quel bande d'enculés!"

L'Histoire de Ronald, le clown de McDonald's suivi de J'ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma tombe - Rodriguo Garcia