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jeudi 20 septembre 2012

Le Rouge et le Noir - Stendhal

« Cette vue fait oublier au voyageur l’atmosphère empestée des petits intérêts d’argent dont il commence à être asphyxié. »

« Dans le fait, ces gens sages y exercent le plus ennuyeux despotisme ; c’est à cause de ce vilain mot que le séjour des petites villes est insupportable, pour qui a vécu dans cette grande république qu’on appelle Paris. La tyrannie de l’opinion, et quelle opinion ! est aussi bête dans les petites villes de France, qu’aux Etats-Unis d’Amérique ! »

« Voilà le grand mot qui décide de tout à Verrières : RAPPORTER DU REVENU. A lui seul il représente la pensée habituelle de plus des trois quarts des habitants. »

« -Réponds-moi sans mentir, lui cria aux oreilles la voix dure du vieux paysan, tandis que sa main le retournait comme la main d’un enfant retourne un soldat de plomb. Les grands yeux noirs et remplis de larmes de Julien se trouvèrent en face des petits yeux gris et méchants du vieux charpentier qui avait l’air de vouloir lire jusqu’au fond de son âme. »

« Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin du regard des hommes, madame de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de madame de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait lever la main jusqu’à la sonnette. Madame de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait  l’arrivée du précepteur. Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. Il tressaillit quand une voix douce dit tout près de son oreille :
-Que voulez-vous ici, mon enfant ?
Julien se tourna vivement, et frappé du regard si rempli de grâce de madame de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu’il venait faire. Madame de Rênal avait répété sa question.
-Je viens pour être précepteur, madame, lui dit-il enfin, tout honteux de ses larmes qu’il essuyait de son mieux.
Madame de Rênal resta interdite ; ils étaient fort près l’un de l’autre à se regarder. Julien n’avait jamais vu un être aussi bien vêtu et surtout une femme avec un teint si éblouissant, lui parler d’un air doux. Madame de Rênal regardait les grosses larmes, qui s’étaient arrêtées sur les joues si pâles d’abord et maintenant si roses de ce jeune paysan. Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaîté folle d’une jeune fille ; elle se moquait d’elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c’était là ce précepteur qu’elle s’était figuré comme un prêtre sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfants !
-Quoi, monsieur, lui dit-elle enfin, vous savez le latin ?
Ce mot de monsieur étonna si fort Julien qu’il réfléchit un instant.
-Oui, madame, dit-il timidement.
Madame de Rênal était si heureuse, qu’elle osa dire à Julien :
-Vous ne gronderez pas trop ces pauvres enfants ?
-Moi, les gronder, dit Julien étonné, et pourquoi ?
-N’est-ce pas, monsieur, ajouta-t-elle après un petit silence et d’une voix dont chaque instant augmentait l’émotion, vous serez bon pour eux, vous me le promettez ?
S’entendre appeler de nouveau monsieur, bien sérieusement, et par une dame si bien vêtue était au-dessus de toutes les prévisions de Julien : dans tous les châteaux en Espagne de sa jeunesse, il s’était dit qu’aucune dame comme il faut ne daignerait lui parler que quand il aurait un bel uniforme. Madame de Rênal de son côté était complètement trompée par la beauté du teint, les grands yeux noirs de Julien et ses jolis cheveux qui frisaient plus qu’à l’ordinaire parce que pour se rafraîchir il venait de plonger la tête dans le bassin de la fontaine publique. A sa grande joie elle trouvait l’air timide d’une jeune fille à ce fatal précepteur, dont elle avait tant redouté pour ses enfants la dureté et le ton rébarbatif. Pour l’âme si paisible de madame de de Rênal, le contraste de ses craintes et de ce qu’elle voyait fut un grand événement. Enfin, elle revint de sa surprise. Elle fut étonnée de se trouver ainsi à la porte de sa maison avec ce jeune homme presque en chemise et si près de lui.
-Entrons, monsieur, lui dit-elle d’un air assez embarrassée ; de sa vie, une sensation purement agréable n’avait aussi profondément ému madame de Rênal ; jamais une apparition aussi gracieuse n’avait succédé à des craintes plus inquiétantes. Ainsi ses jolis enfants, si soignés par elle, ne tomberaient pas dans les mains d’un prêtre sale et grognon. A peine entrée sous le vestibule, elle se retourna vers Julien qui la suivait timidement. Son air étonné, à l’aspect d’une maison si belle, était une grâce des plus aux yeux de madame de Rênal. Elle ne pouvait en croire ses yeux ; il lui semblait surtout que le précepteur devait avoir un habit noir.
-Mais est-il vrai, monsieur, lui dit-elle, en s’arrêtant encore, et craignant mortellement de se tromper, tant sa croyance la rendait heureuse, vous savez le latin ? Ces mots choquèrent l’orgueil de Julien et dissipèrent le charme dans lequel il vivait depuis un quart d’heure.
-Oui, madame, lui dit-il, en cherchant à prendre un air froid, je sais le latin aussi bien que M. le curé et même quelquefois il a la bonté de dire mieux que lui.
Madame de Rênal trouva que Julien avait l’air fort méchant ; il s’était arrêté à deux pas d’elle. Elle s’approcha et lui dit à mi-voix :
-N’est-ce pas, les premiers jours, vous ne donnerez pas le fouet à mes enfants, même quand ils ne sauraient pas leurs leçons ?
Ce ton si doux et presque suppliant d’une si belle dame fit tout à coup oublier à Julien ce qu’il devait à sa réputation de latiniste. La figure de madame de Rênal était près de la sienne, il sentit le parfum des vêtements d’été d’une femme, chose si étonnante pour un pauvre paysan. Julien rougit extrêmement et dit avec un soupir et d’une voix défaillante :
-Ne craignez rien, madame, je vous obéirai en tout.
Ce fut en ce moment seulement, quand son inquiétude pour ses enfants fut tout à fait dissipée, que madame de Rênal fut frappée de l’extrême beauté de Julien. La forme presque féminine de ses traits, et son air d’embarras, ne semblèrent point ridicules à une femme extrêmement timide elle-même. L’air mâle que l’on trouve communément nécessaire à la beauté d’un homme lui eût fait peur.
-Quel âge avez-vous, monsieur ? dit-elle à Julien.
-Bientôt dix-neuf ans.
-Mon fils aîné a onze ans, reprit madame de Rênal tout à fait rassurée, ce sera presque un camarade pour vous, vous lui parlerez raison. Une fois son père a voulu le battre ; l’enfant a été malade pendant toute une semaine, et cependant c ‘était un bien petit coup. Quelle différence avec moi pensa Julien. Hier encore, mon père m’a battu. Que ces gens riches sont heureux ! »
« malgré toute sa méfiance du destin et des hommes, son âme dans ce moment n’était que celle d’un enfant. »

« L’amour de mademoiselle Elisa avait valu à Julien la haine d’un des valets. »

« Jusque-là le nom de Julien et le sentiment d’une joie pure et toute intellectuelle, étaient synonymes pour elle. »

« -Je suis petit, madame, mais je ne suis pas bas, reprit Julien en s’arrêtant, les yeux brillants de colère, et se relevant de toute sa hauteur, c’est à quoi vous n’avez pas assez réfléchi. »

« Dans le salon, quelle que fût l’humilité de son maintien, elle trouvait dans ses yeux un air de supériorité intellectuelle envers tout ce qui venait chez elle. »

« Vous pourrez faire fortune, mail il faudra nuire aux misérables, flatter le sous-préfet, le maire, l’homme considéré, et servir ses passions : cette conduite, qui dans le monde s’appelle savoir vivre, peut, pour un laïc, n’être pas absolument incompatible avec le salut ; mais dans notre état, il faut opter ; il s’agit de faire fortune dans ce monde ou dans l’autre, il n’y a pas de milieu. »

« Julien avait honte de son émotion ; pour la première fois de sa vie, il se voyait aimé ; il pleurait avec délices et alla cacher ses larmes dans les grands bois au-dessus de Verrières. »

« Quand M. de Rênal était à la ville, ce qui arrivait souvent, il osait lire ;  bientôt, au lieu de lire la nuit, et encore en ayant soin de cacher sa lampe au fond d’un vase à fleurs renversé, il put se livrer au sommeil ; le jour dans l’intervalle des leçons des enfants, il venait dans ces rochers avec le livre, unique règle de sa conduite et objet de ses transports. Il y trouvait à la fois bonheur, extase et consolation dans les moments de découragement. »

« Mais cette émotion était un plaisir et non une passion. En rentrant dans sa chambre, il ne songea qu’à un bonheur, celui de reprendre son livre favori ; à vingt ans, l’idée du monde et de l’effet à y produire l’emporte sur tout. »

« Quoi, je perdrais lâchement sept ou huit années ! j’arriverais ainsi à vingt-huit ans ; mais à cet âge, Bonaparte avait fait ses plus grandes choses ! »

« On ne peut aimer sans égalité. »

« Leur bonheur avait quelquefois la physionomie du crime. »

« M. Valenod avait dit en quelque sorte aux épiciers du pays : Donnez-moi les deux plus sots d’entre vous ; aux gens de loi : Indiquez-moi les deux plus ignares ; aux officiers de santé : Désignez-moi les deux plus charlatans. Quand il avait eu rassemblé les plus effrontés de chaque métier, il leur avait dit : Régnons ensemble. »

« Les âmes qui s’émeuvent ainsi sont bonnes tout au plus à produire un artiste. »

« -Quoi ! est-il possible que vous ne m’aimiez plus, lui dit-il, avec un de ces accents du cœur, si difficiles à écouter de sang-froid. »

« Pourquoi veut-on que je sois aujourd’hui de la même opinion qu’il y a six semaines ? En ce cas, mon opinion serait mon tyran. »

« A Paris, on a l’attention de se cacher pour rire, mais vous êtes toujours un étranger. »

« ne disait rien sur rien. Telle était sa façon de penser. »

« On le fit attendre, lui et son témoin, trois grand quarts d’heure ; enfin ils furent introduits dans un appartement admirable d’élégance. Ils trouvèrent un grand jeune homme en redingote rose-orange et blanc, mis comme une poupée ; ses traits offraient la perfection et l’insignifiance de la beauté grecque. Sa tête, remarquablement étroite, portait une pyramide de cheveux du plus beau blond. Il étaient frisés avec beaucoup de soin, pas un cheveu ne dépassait l’autre. C’est pour se faire friser ainsi, pensa le lieutenant du 96e, que ce maudit fat nous a fait attendre. La robe de chambre bariolée, le pantalon du matin, tout, jusqu’aux pantoufles brodées, était correct et merveilleusement soigné. Sa physionomie noble et vide annonçait des idées convenables et rares : l’idéal de l’homme aimable, l’horreur de l’imprévu et de la plaisanterie, beaucoup de gravité. »

« Julien riait et admirait la pauvreté du duel entre le pouvoir et une idée. »

« Faites toujours le contraire de ce qu’on attend de vous. Voilà, d’honneur, la seule religion de l’époque ; ne soyez ni fou, ni affecté, car alors on attendrait de vous des folies et des affectations, et le précepte ne serait plus accompli. »

« Elle outre toutes les modes : sa robe lui tombe des épaules… elle est encore plus pâle qu’avant son voyage… Quels cheveux sans couleur, à force d’être blonds : on dirait que le jour passe à travers !... Que de hauteur dans cette façon de saluer, dans ce regard ! quels gestes de reine ! »

« mais un des caractères du génie est de ne pas traîner sa pensée dans l’ornière tracée par le vulgaire. »

« Hé, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. »

« Il rougit jusqu’au blanc des yeux. »

« Elle est étrangère ; c’est un caractère nouveau à observer. »

« Il se sentait pénétré d’amour jusque dans les replis les plus intimes de son cœur. »

« J’étais reconnaissant mais j’ai vingt-deux ans… Dans cette maison, ma pensée n’était comprise que de vous et de cette personne aimable. »

« Après avoir joui pendant deux ans d’une fortune immense et de toucher les distinctions de la cour, 1790 l’avait jeté dans les affreuses misères des émigrés. Cette durée école avait changé une âme de vingt-deux ans. »

« Madame de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie ; mais, trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants. »

Le Rouge et le Noir - Stendhal


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