Readings

Syringa's bookshelf: read

Le livre du voyage
Prom Nights from Hell
The Collapse of Western Civilization: A View from the Future
Le Jeûne
Le petit guide de la cure de raisin
Le Libraire De Selinonte
Benedict Cumberbatch: The Biography
Exploration Fawcett: Journey to the Lost City of Z
Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire
Le tour du monde en 80 jours
Professeur Cherche élève Ayant Désir De Sauver Le Monde
Elif Gibi Sevmek
Hikâyem Paramparça
The Enchantress of Florence
Anglais BTS 1re & 2e années Active Business Culture
Réussir le commentaire grammatical de textes
Epreuve de traduction en anglais
Le commentaire littéraire anglais - Close Reading
Réussir l'épreuve de leçon au CAPES d'anglais - Sujets corrigés et commentés
Le pouvoir politique et sa représentation - Royaume-Uni, Etats-Unis


Syringa Smyrna's favorite books »

dimanche 23 septembre 2012

Socrate Jésus Bouddha: Trois maîtres de vie - Frédéric Lenoir

« La lecture des dialogues de Platon fut une véritable révélation. Socrate y parlait de la connaissance de soi, de la recherche du vrai, du beau, du bien, de l’immortalité de l’âme. Il abordait sans détours des questions qui me taraudaient. Et il le faisait d’une manière qui me paraissait convaincante, à l’inverse des réponses toutes faites et insatisfaisantes du catéchisme de mon enfance. »

« le père de la philosophie morale a déjà forgé la méthode qui lui est propre, fondée sur le questionnement de son interlocuteur, que l’on appelera la « maïeutique », ou l’art d’accoucher. »

« Parallèlement aux prêtres, ordonnateurs de la relation aux dieux, une catégorie de penseurs a émergé. Ces penseurs-là ne sont pas apparus à Athènes, la principale cité où se concentrent les éléments du pouvoir, mais dans les zones périphériques, sur la côte méditerranéenne de l’Asie Mineure, en particulier dans la région de Milet, dans l’actuelle Turquie, où Thalès (v. 625-v. 547) puis son disciple Anaximène (v.585-v.525) tentent d’apporter des réponses « rationnelles », c’est-à-dire fondées sur la connaissance empirique, aux questions métaphysiques.
Très vite, ceux que l’on n’appelle pas encore « les philosophes », mais plutôt « les physiciens », parviennent au constat que l’univers forme un tout et que la connaissance du monde passe d’abord par celle de l’homme : « Il faut s’étudier soi-même et tout apprendre par soi-même », affirme ainsi Héraclite (v.540-v.450), le penseur d’Ephèse, ville située à proximité de Milet. »

« Vers 499 avant notre ère, les cités ioniennes, dont la plus prospère était Milet, se révoltent contre le joug perse et sollicitent l’aide d’Athènes. C’est ainsi qu’à l’issue des deux guerres médiques, les Athéniens prendront le contrôle, vers 479, des îles de la mer Egée, et organiseront peu après la ligue dite de Délos, sorte de congrès auquel participent des représentants de toutes les cités grecques. Une armée et une monnaie unique sont mises en place, et, progressivement, Athènes, qui préside cette ligue, inféode les autres cités. Elle n’est pas gouvernée par un roi, mais par une assemblée de dix stratèges représentant les grandes familles, élus chaque année par l’assemblée du peuple. En cas de guerre, un stratège est désigné par l’assemblée pour assurer le commandement suprême. Périclès, élu quinze fois stratège, est devenu l’un des hommes politiques les plus influents d’Athènes- au point que l’on surnomme cette période « le siècle de Périclès ». »

« Alors que la tradition bouddhiste a toujours affirmé que Siddhârta n’était qu’un homme, elle a laissé de lui une image lisse, impassible, surhumaine et donc presque inhumaine. A l’inverse, alors que la tradition chrétienne a fait de Jésus un être surnaturel, à la fois Dieu et homme, les Evangiles le montrent comme un être profondément humain qui éprouve – parfois jusqu’aux larmes – des émotions telles que la tristesse et la joie, la lassitude et l’élan, la compassion et la colère. Saisissant paradoxe ! »

« Tel est l’art socratique de la maïeutique, du grec maieutikè, littéralement « art de faire accoucher ». En se référant à sa mère, la sage-femme Phénarète, Socrate explique ainsi son « métier » à Théétète dans le dialogue platonicien du même nom : « Mon art d’accoucher comprend toutes les fonctions que remplissent les sages-femmes mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes, et qu’il surveille leurs âmes en travail et non leurs corps » (150b). Il insiste sur l’aspect technique de son travail, niant jusqu’à la possibilité, pour lui, de prétendre à aucun savoir sur la sagesse : « Je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a fait d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. La raison, la voici : c’est que le dieu me contrait d’accoucher les autres, mais il ne m’a pas permis d’engendrer » (150c). »

« Jésus est mort pour avoir témoigné jusqu’au bout de la vérité qu’il est venu apporter. C’est sans doute la raison pour laquelle sa parole, comme celle de Socrate, sonne encore si juste et semble si vivante, deux mille ans après sa mort. »

« Jésus réaffirme avec force, alors qu’il est lui-même victime d’une haine aveugle, que le pardon est au-dessus de tout. Il rappelle aussi, à la suite de Socrate, que l’ignorance est la cause véritable de tous les maux. »

« Cette mort, pourtant, a sans doute contribué à sa renommée. Tous les philosophes qui succèderont à Socrate feront référence à lui soit pour appuyer ses idées, les développer ou s’en inspirer, soit pour les critiquer et les combattre. Socrate est considéré comme le père de la philosophie parce qu’il a su orienter la vie humaine vers la quête de la vérité et de la sagesse. Pour lui, la réalisation de cette quête n’est possible que par les efforts de la raison et par l’introspection. Il est devenu le prototype du « sage », celui qui sait se dominer et mettre en cohérence ses paroles et ses actes. Il a exercé une influence considérable non seulement sur la plupart des philosophes grecs et romains de l’Antiquité, mais aussi parmi les théologiens juifs, chrétiens et musulmans du Moyen Age. Il a marqué et continue d’inspirer nombre de penseurs modernes, de Montaigne à Foucault en passant par Rousseau ou Nietzsche. On peut affirmer qu’il a été la clé de voûte de la pensée humaniste qui a forgé l’Occident. »

« Socrate montre une chose capitale : il existe, pour un philosophe, deux registres du savoir- le savoir proprement rationnel (on dirait aujourd’hi scientifique- et un savoir qui peut dépasser le cadre strict de la raison pour relever aussi d’autres sphères comme celles de la foi, de l’intuition, du sentiment ou même de la tradition. Dans le premier cas, on pourra parler de « certitudes ». Dans le second, on parlera plutôt, comme le fera Montaigne, d’ « intimes convictions ». Un philosophe acquiert par les seuls efforts de la raison un savoir qui lui donne des certitudes sur lui-même, sur l’homme et sur le monde ; ce savoir-là et universel. Il acquiert également des connaissances non certaines, car partiellement fondées en raison, mais inspirées aussi par d’autres sources, et qui deviennent des intimes convictions. Celles-ci peuvent éclairer sa vie et la nourrir. Ce savoir est vrai pour celui qui y adhère sans qu’il s’agisse pour autant d’une vérité universelle. L’enseignement socratique sur l’immortalité de l’âme relève typiquement de ce second registre. »

« Au-delà des divergences d’appréciation entre le Bouddha, Socrate et Jésus sur le devenir de l’être humain après la mort, leur enseignement converge sur le fait que nos actions présentes auront des conséquences dans une existence future. Une telle perspective peut avoir des répercussions importantes dans la manière de concevoir notre vie, dans nos choix éthiques, dans la perspective que  nous avons de nous-mêmes. A moins d’avoir la foi, nous ne pouvons avoir aucune certitude rationnelle sur l’existence d’un au-delà ou de mondes invisibles. Mais comme le rappelle avec humour Socrate bien avant le fameux pari de Pascal, il n’y a rien à perdre à vivre selon une telle conviction. A moins évidemment qu’elle ne paralyse notre vie ici-bas, qu’elle ne l’enferme dans la peur ou le fatalisme et la rende mortifère. Mais ce n’est certes pas ainsi qu’on vécu nos trois sages. »

« Les disciples de Socrate en étaient bien conscients. D’où leur désespoir, alors qu’il gît sur ce qui sera quelques heures plus tard son lit de mort : « Mais, Socrate, où trouverons-nous un bon enchanteur, puisque tu vas nous quitter ? » Et Socrate de leur livrer cette inoubliable réponse que nous pouvons encore aujourd’hui faire nôtre : « La Grèce est grande, et l’on y trouve un grand nombre de personnes habiles. Et il y a bien des pays étrangers : il faut les parcourir tous, et les interroger pour trouver cet enchanteur, sans épargner ni travail ni dépense. Il n’y a rien à quoi vous puissiez employer votre fortune plus utilement. Et puis, il faut aussi que vous le cherchiez parmi vous. Car vous ne trouverez peut-être plus personne plus capable de faire ces enchantements que vous-mêmes. (Phédron, 78a). »

« Autrement dit, tout est souffrance, et il est illusoire de vouloir trouver dans la vie un bonheur permanent. Ce constat se veut objectif et lucide. Il ne s’agit pas d’un pessimisme existentiel, mais de la première étape sur la voie de la libération. En reconnaissant ce premier principe, l’individu effectue le premier pas sur la voie de la guérison. »

« Car, aussi précieuse soit-elle, la liberté politique ne sert à rien si elle ne permet pas à chacun de sortir de l’esclavage le plus profond qui soit : pour Socrate, l’ignorance ; pour Jésus, le péché ; pour le Bouddha, le désir-attachement. »

« Le mot « péché » est la traduction du latin peccatum, qui signifie faute. Il est lui-même la traduction du grec biblique hamartia qui signifie déficience ou erreur, et qui est à sont tour la transcription du mot hébraïque hatta’t, qu’il faudrait traduire au plus juste par l’expression « manquer la cible ». Pécher, c’est se tromper de cible, mal orienter son désir, ou bien ne pas atteindre le véritable objectif visé. Dès lors qu’on agit mal, on est dans l’erreur et on est séparé de la vérité, donc de Dieu. »

«Pour Socrate, la vertu suprême est la justice. Pout le Bouddha, la compassion. Pour Jésus, l’amour. »

« On ne peut qu’être troublé devant la similitude entre la mort de Socrate et celle de Jésus : l’un et l’autre auraient pu fuir, et ont refusé. »

« De même, comme nous l’avons vu, que Jésus récuse la loi du talion qui dit « œil pour œil, dent pour dent » (Exode, 21,24), de même Socrate considère comme une obligation sacrée den jamais rendre le mal pour le mal. »

« Résorber l’injustice sociale et économique est un souci politique qui n’a cessé de s’affirmer depuis le XVIIIème siècle et qui a malheureusement échoué de la tragique manière que l’on sait dans les expériences communistes. Face à la disparité des richesses, Socrate, Jésus et Bouddha ne prônent pas une stricte égalité, ne serait-ce que parce qu’il savent qu’il n’y a pas de véritable égalité entre les humains, si divers par leurs capacités et leurs talents. Ils donnent eux-mêmes, on l’a vu, l’exemple du détachement et d’une certaine pauvreté volontaire, et appellent les riches au partage, comme s’ils savaient que l’égalité économique était impossible à mettre en œuvre par une simple volonté politique. Ils en appellent donc à la conscience de chaque individu pour qu’il pratique de lui-même une plus juste répartition matérielle. »

« C’est ainsi que le théologien protestant Dietrich Bonhoeffer ) executé en 1945 au camp de concentration de Flossenbürg par les nazis pour avoir participé à un complot contre Hitler – a parlé du Christ comme du « Seigneur des irréligieux ». En observant les fidèles de toutes les religions, nous faisons sans peine le constat que la connaissance des Ecritures saintes, le lien explicite avec Dieu, l’accomplissement des prières rituelles et des règles religieuses, peuvent sans doute aider le croyant, mais qu’ils ne constituent jamais la garantie d’une conduite exemplaire ni d’une vie bonne. A l’inverse, l’absence de religion n’empêchera pas un homme d’être vrai, juste et bon. Le message du Christ valide cette observation universelle en lui donnant un fondement théologique : de manière ultime, adorer Dieu, c’est aimer son prochain. »

Socrate Jésus Bouddha : Trois maîtres de vie – Frédéric Lenoir

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire