Readings

Syringa's bookshelf: read

Le livre du voyage
Prom Nights from Hell
The Collapse of Western Civilization: A View from the Future
Le Jeûne
Le petit guide de la cure de raisin
Le Libraire De Selinonte
Benedict Cumberbatch: The Biography
Exploration Fawcett: Journey to the Lost City of Z
Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire
Le tour du monde en 80 jours
Professeur Cherche élève Ayant Désir De Sauver Le Monde
Elif Gibi Sevmek
Hikâyem Paramparça
The Enchantress of Florence
Anglais BTS 1re & 2e années Active Business Culture
Réussir le commentaire grammatical de textes
Epreuve de traduction en anglais
Le commentaire littéraire anglais - Close Reading
Réussir l'épreuve de leçon au CAPES d'anglais - Sujets corrigés et commentés
Le pouvoir politique et sa représentation - Royaume-Uni, Etats-Unis


Syringa Smyrna's favorite books »

mardi 10 juillet 2012

Biographie de la faim - Amélie Nothomb

     "Ce fut pour moi une scandaleuse découverte intellectuelle: une langue incompréhensible.
Il y avait donc un genre de langage qui m'était fermé. Au lieu de penser que j'apprendrais facilement ce nouveau territoire du verbe, je le condamnai pour crime de lèse-divinité: de quel droit ces mots me résistaient-ils? Jamais je ne m'abaisserais à demander leur clef. C'était à eux de se hisser jusqu'à moi, d'obtenir l'honneur insigne de traverser la muraille de ma tête et la barrière de mes dents.
     Moi, je ne parlais qu'une langue: le franponais. Ceux qui y voyaient deux langues distinctes péchaient par superficialité, ils s'arrêtaient à des détails tels que le vocabulaire ou la syntaxe. Ces broutilles n'auraient pas dû leur cacher non seulement des points communs objectifs comme la latinité des consonances ou la précision de la grammaire mais surtout de cette parenté métaphysique qui les unissait par le haut: le délectable.
     Comment ne pas avoir faim du franponais? Ces mots aux syllabes bien détachées les unes des autres, aux sonorités nettes, c'étaient des sushis, des bouchées pralinées, des tablettes de chocolat dont chaque carré verbal se découpait facilement, c'étaient des gâteaux pour le thé de cérémonie, dont les emballages individuels permettaient le bonheur du déshabillage et la différenciation des saveurs.
Je n'avais pas faim de l'anglais, cette langue trop cuite, purée de chuintements, chewing-gum mâché qu'on se passait de bouche en bouche. L'anglo-américain ignorait le cru, le saisi, le frit, le cuit à la vapeur: il ne connaissait que le bouilli. On y articulait à peine, comme lors de ces repas des gens exténués qui engloutissent sans prononcer une parole. C'était du brouet pas civilisé.
    Mon frère et ma soeur adoraient l'école américaine et j'avais des raisons de penser que j'y eusse été autrement libre et tranquille. Cependant, je préférais encore continuer mon service militaire dans la langue délectable plutôt que d'aller jouer dans la langue bouillie."

Biographie de la faim - Amélie Nothomb

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire