Readings

Syringa's bookshelf: read

Le livre du voyage
Prom Nights from Hell
The Collapse of Western Civilization: A View from the Future
Le Jeûne
Le petit guide de la cure de raisin
Le Libraire De Selinonte
Benedict Cumberbatch: The Biography
Exploration Fawcett: Journey to the Lost City of Z
Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire
Le tour du monde en 80 jours
Professeur Cherche élève Ayant Désir De Sauver Le Monde
Elif Gibi Sevmek
Hikâyem Paramparça
The Enchantress of Florence
Anglais BTS 1re & 2e années Active Business Culture
Réussir le commentaire grammatical de textes
Epreuve de traduction en anglais
Le commentaire littéraire anglais - Close Reading
Réussir l'épreuve de leçon au CAPES d'anglais - Sujets corrigés et commentés
Le pouvoir politique et sa représentation - Royaume-Uni, Etats-Unis


Syringa Smyrna's favorite books »

vendredi 28 décembre 2012

La mécanique du coeur - Mathias Malzieu

« C’est le jour le plus froid du monde. C’est aujourd’hui que je m’apprête à naître. Cela se passe dans une vieille maison posée en équilibre au sommet de la plus haute colline d’Edimbourg – Arthur’s Seat -, un volcan serti de quartz bleu au sommet duquel reposerait la dépouille de ce bon vieux roi Arthur. »

« A l’intérieur, tout est fait de bois, comme si la maison avait été sculptée dans un énorme sapin. On croirait presque entrer dans une cabane : poutres apparentes rugueuses à souhait, petites fenêtres récupérées au cimetière des trains, table basse bricolée à même une souche. D’innombrables coussins de laine remplis de feuilles mortes tricotent une atmosphère de nid. Nombre d’accouchements clandestins s’opèrent dans cette maison. »

« On dirait une enfant qui joue à être enceinte. »

« Ses larmes glacées ont rebondi sur le sol telles les perles d’un collier cassé. »

« Les roses translucides s’inclinent aux fenêtres, enluminant les avenues. »

« Mes paupières se ferment, souples comme les parisiennes d’un soir d’été très loin d’ici. Je n’ai plus envie de crier. Je la regarde tandis que le sommeil me gagne lentement. Tout est arrondi chez elle, les yeux, les pommettes ridées façon reinettes, la poitrine. Une vraie machine à s’emmitoufler. Même que lorsque je n’aurai pas faim, je ferai semblant que si. Juste pour lui croquer les seins. »

« La commissure de ses lèvres tremble. Elle s’éloigne avec sa démarche de vieille dame mélancolique au corps d’adolescente. »

« Curieusement, j’aime la façon dont on ne se parle pas. »

« Une fille minuscule avec des airs d’arbre à fleur s’avance devant l’instrument de musique et commence à chanter. »

« Ses bras ressemblent à des branches et ses cheveux noirs ondulés embrasent son visage comme l’ombre d’un incendie. Son nez magnifiquement bien dessiné est si minuscule que je me demande comment elle peut respirer avec – à mon avis, il est juste là pour décorer. Elle danse comme un oiseau en équilibre sur des talons aiguilles, féminins échafaudages. Ses yeux sont immenses, on peut prendre le temps de regarder à l’intérieur. On y lit une détermination farouche. Elle a un port de tête altier, telle une danseuse de flamenco miniature. Ses seins ressemblent à deux petites meringues si merveilleusement bien cuites qu’il serait inconvenant de ne pas les dévorer sur-le-champ. »

« Au moment où nos  voix montent à l’unisson, son talon gauche se plante entre deux pavés, elle vacille comme une toupie en fin de course et s’étale sur la chaussée glacée. »

«Mon cœur accélère encore, j’ai du mal à reprendre mon souffle. J’ai l’impression que l’horloge enfle et qu’elle remonte dans ma gorge. Est-ce qu’elle vient de sortir d’un œuf ? Est-ce que cette fille se mange ? Est-ce qu’elle est en chocolat ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
J’essaie de regarder dans ses yeux mais son incroyable bouche a kidnappé les miens. Je ne pensais pas qu’on puisse passer autant de temps à observer une bouche. »

« -J’ai adoré regarder sa bouche.
-Ne dis pas ça !
-Elle a un jeu de fossettes très varié, son sourire multiplie les combinaisons, et du coup ça donne envie de la contempler très longtemps. »

« Tout le plaisir et toute la joie que l’amour peut faire ressentir se paient un jour ou l’autre en souffrances. Et plus on aime fort, plus la douleur à venir sera décuplée. Tu connaîtras le manque, puis les affres de la jalousie, de l’incompréhension, la sensation de rejet et d’injustice. Tu auras froid jusque dans tes os, et ton sang fera des glaçons que tu sentiras passer sous ta peau. »

« Le mystère qui entoure cette petite chanteuse m’émoustille. Je fais une collection d’images mentales de ses longs cils, de ses fossettes, de son nez parfait et des ondulations de ses lèvres. J’entretiens son souvenir comme on prendrait soin d’une fleur délicate. Ce me fait des grosses journées. »

« Certains soirs la petite chanteuse vient également visiter mes rêves. Cette nuit, elle mesure deux centimètres, entre dans le trou de serrure de mon cœur et s’assoit à califourchon sur l’aiguille de mes heures. Elle me regarde avec ses yeux de biche élégante. Même endormi, c’est impressionnant. Puis elle commence à me lécher doucement l’aiguille des minutes. Je me sens butiné, quelque chose de mécanique se met en marche, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse seulement de mon cœur… CLIC CLOC DONG ! CLIC CLOC DING ! Putain de coucou ! Je me réveille brusquement. »

« Mais l’horloge a beau être fragile, la petite chanteuse s’y est confortablement installée. Elle a déposé ses valises d’enclumes dans tous les coins, pourtant je ne me suis jamais senti aussi léger que depuis que je l’ai rencontrée. »

« J’imagine un héros de la Rome antique, Cunnilingus. Il faut le répéter plusieurs fois Cu-ni-lin-guss, Cunnilingus, Cunnilingus. Quel mot fantastique ! »

« Elle parle très vite, comme si le silence lui faisait peur. »

« Il y a toujours un moment aussi ridicule qu’agréable où je crois à l’impossible. »

« Et puis il y a Luna, blonde chatoyante, version préhistorique de Dalida, avec ses gestes lents et son sourire brisé, funambule sur talons aiguillissimes. »

« Mon rêve gonfle comme une pâtisserie au four, je crois qu’il est prêt pour son passage à la réalité. »

« Leur maris, encostardisés de la tête aux pieds, ont des allures de cintres qui se seraient mis à marcher. »

« Les élèves ressemblent à des versions miniaturisées de leurs parents. »

« Son regard de jais me glace. Il est maigre comme un arbre mort, élégant comme un épouvantail habillé par un grand couturier, et sa coiffure paraît confectionnée à base d’ailes de corbeau. »

« Sa voix grave fait penser à celle d’une pierre tombale qui se mettrait à parler. »

« Sa barbe naissante me pique comme du fil barbelé sur la poitrine. »

« Quand les adultes s’en mêlent, un nouveau seuil de laideur est franchi. »

« Quand je me décide à lui parler de Joe, elle m’explique qu’il m’a peut-être traité ainsi pour exister aux yeux des autres, qu’il n’est pas forcément mauvais. »

« Le jaune d’œuf coule sur mes joues, comme si mon rêve s’évacuait par les canaux lacrymaux. »

« Parce que cette fois c’est décidé, j’entreprends ma conquête de l’Ouest amoureux. »

« L’homme se retourne vers moi, les traits de son visage sont acérés comme des lames. »

« Assis sur une banc de la gare Victoria, je reprends mes esprits. »

« Comment un pinson de fille pourrait-elle dérégler mon horloge plus gravement qu’un éventreur ? Avec la troublante malice de ses yeux ? Son armée de cils interminables ? Le redoutable galbe de ses seins ? Impossible. Ca ne doit pas être aussi dangereux que ce que je viens de vivre. »

« -Certains horlogers sont un peu magiciens, et ce magicien-là est un peu horloger, comme Robert Houdin, à qui il vient d’ailleurs de racheter un théâtre ! dit-il malicieusement. »

« Il parle vite, ses mains, points d’exclamation vivants, ponctuant ses mots. »

« -Si tu as peur de te faire mal, tu augmentes les chances, justement, de te faire mal. »

« Méliès est très expressif, tous les traits de son visage entrent en action lorsqu’il s’exprime. Sa moustache paraît articulée par son sourire, un peu comme celle des chats. »

« C’est un homme doux, qui sait écouter. On sent qu’il s’y connaît en êtres humains. Peut-être a-t-il réussi à percer le secret des rouages psychologiques de l’homme. »

« -Tu sais, lorsque j’étais amoureux, je n’arrêtais pas d’inventer des choses. Tout un bazar d’artifices, illusions et trucages, pour amuser ma fiancée. Je crois qu’elle en a eu marre de mes inventions finalement, dit-il, la moustache en berne. Je voulais fabriquer un voyage sur la Lune rien que pour elle, mais c’est un vrai voyage sur Terre que j’aurai dû lui offrir. La demander en mariage, nous trouver une maison plus habitable que mon vieil atelier, je ne sais pas… dit-il en soupirant. »

« -On prendra quelques trains aussi ? Parce que je suis quand même un peu pressé par le temps,,,
-Oppressé par le temps ?
-Aussi. »

« A Auxerre, nous sommes contraints de dormir au cimetière. Le lendemain, petits déjeuners sur pierre tombale en guise de table basse. La grande vie.
A Lyon, nous traversons le pont de la Guillotière sur nos planches à roulettes, accrochés à l’arrière d’un fiacre, les passants nous applaudissent comme si nous étions les premiers coureurs du Tour de France.
A Valence, après une nuit d’errance, une vieille dame qui nous prend pour ses petits-fils nous concocte le meilleur poulet-frites du monde. Nous avons également droit à un bain et savon métamorphosant et à un verre de limonade sans bulles. La très grande vie. »

« Peine perdue, le pigeon voyage à vide. Il ne reste qu’un peu de ficelle attachée à sa patte gauche. Pas de lettre de Madeleine. Le vent a dû s’en emparer. Peut-être aux alentours de Valence, dans la vallée du Rhône, lorsqu’il s’y engouffre de toutes ses forces avant d’aller mourir au soleil. »

« «Granada » ! Anda ! Anda !, ulule Méliès avec un frisson de comète dans le regard. »

« Dans une chasse au trésor, lorsque la lumière des pièces d’or commence à filtrer par la serrure du coffre, l’émotion nous submerge, on ose à peine ouvrir le couvercle. Peur de gagner. »

« Oserai-je te déplier, Miss Acacia ? »

« Ta différence te rendra tellement séduisant ! »

« Le nid douillet de l’imagination se dérobe, il va falloir que je me lance dans le vide.
Les roses en papier cousues sur la robe de la petite chanteuse dessinent la carte aux trésors de son corps. J ‘ai un goût d’électricité au bout de la langue. Je suis une bombe prête à exploser, une bombe terrorisée, mais une bombe quand même. »

« Méliès leur répond avec son sourire de chat. »

« Miss Acacia cambre ses reins, sa bouche s’entrouvre, on dirait qu’un fantôme est en train de l’embrasser. Elle ferme ses yeux immenses en faisant claquer les paumes de ses mains levées comme des castagnettes.
Pendant une chanson très intime, mon coucou se met en marche. J’ai plus honte que jamais. »

« Je dois faire la queue comme tout le monde alors que je ne demande pas d’autographe, seulement la lune. Elle et moi lovés dans son croissant. »

« Je referme la porte de la loge exiguë et je prends le temps d’observer sa trousse de maquillage, son régiment de bottillons à paillettes et sa penderie – qui n’aurait pas déplu à la fée Clochette. Cette proximité avec sa féminité m’embarrasse agréablement, la délicatesse de son parfum m’enivre. J’attends, assis du bout des fesses sur son canapé. »
« Elle commence à se démaquiller, aussi délicatement qu’un serpent rose quitterait sa mue, puis elle enfile une paire de lunettes. »

« J’ai l’impression que chaque mot prononcé sera d’une importance capitale ; syllabe par syllabe, ils se décrochent avec difficulté ; le poids du rêve que je porte se fait sentir. »

« A l’orée du monde, quelque part entre son menton et la commissure de ses lèvres, un microscopique sourire se dessine. »

« Elle m’ouvre la porte, la lumière du réverbère l’éblouit. J’interpose mes mains entre le réverbère et ses yeux, son front se décrispe doucement. C’est un instant merveilleusement trouble. »

« Elle porte de grosses chaussures tristes – des sandales de nonne -, idéales pour écraser les rêves. »

« Je ravale ma fierté parce que j’ai vraiment besoin de ce travail. »

« Je m’en vais dévorer la lune comme une crêpe phosphorescente en pensant à Miss Acacia. »

« Elle a ce petit rire, léger comme une cascade de perles effleurant un xylophone. »

« De son ombre galbée s’envole une chevelure ondulée. »

« Je voudrais la séduire sans qu’elle me prenne pour un séducteur. Le dosage est délicat. »

« Nos bras font du très bon boulot en matière de mélange de peaux. »

« Je tente de souder le rêve à la réalité, mais je travaille sans masque. »

« Je la regarde cacher ses yeux immenses sous ses paupières-ombrelles et je me sens haltérophile de montagnes, Himalaya au bras gauche et Rocheuses au bras droit. Atlas est un nain besogneux à côté de moi ; de la joie géante m’inonde ! Le train fait résonner ses fantômes à chacun de nos gestes. Le bruit de ses talons sur le plancher nous enveloppe.
-Silence ! hurle une voix aigre.
Nous nous désemboîtons dans un sursaut. On a réveillé le monstre du Loch Ness. Nous sommes en apnée. »

« Je ne peux plus me passer de sa présence ; l’odeur de sa peau, le son de sa voix, ses petites façons d’être la fille la plus forte et la plus fragile du monde. »

« J découvre l’étrange mécanique de son cœur. Elle fonctionne avec un système de coquille autoprotectrice liée à l’abyssal manque de confiance qui l’habite. Une absence d’estime de soi se bagarrant avec une détermination hors du commun. Les étincelles que produit Miss Acacia en chantant sont les éclats des ses propres fêlures. Elle est capable de les projeter sur scène, mais dès que la musique s’arrête, elle perd l’équilibre. Je n’ai pas encore trouvé l’engrenage cassé en elle.
Le code d’entrée à son cœur change tous les soirs. Parfois, la coquille est dure comme un roc. J’ai beau tenter mille combinaisons en forme de caresses et de mots réconfortants, je reste à la porte Pourtant j’aime tant la faire craquer, cette coquille ! Entendre ce petit bruit lorsqu’elle se désamorce, voir la fossette qui se creuse au coin de ses lèvres qui semblent dire « Souffle ! ». Le système de protection qui vole en doux éclats. 
-Comment apprivoiser une étincelle. Voilà le manuel dont j’aurai besoin ! dis-je à Méliès. »

« Même si Acacia t’aime, tu ne pourras jamais la maîtriser. »

« En quelques mois, notre amour a encore grandi. Il ne peut plus se contenter de se  nourrir uniquement aux seins de la nuit. »

« J’aurai voulu prendre un peu plus de temps pour observer à loisir ses chevilles de poussin, pour remonter le long de ses mollets aérodynamiques jusqu’aux cailloux ambrés qui lui servent de genoux. Alors j’aurai longé ses cuisses entrouvertes pour me poser sur la plus douce des pistes d’atterrissage. Là, je me serais entraîné à devenir le plus grand caresseur-embrasseur du monde. A chaque fois qu’elle voudra rentrer chez elle, je lui ferai le coup. Blocage temporel, suivi d’un cours de langues pas étrangères. Alors, je redémarrerai le monde, elle se sentira toute chose et elle ne pourra pas résister à l’idée de passer encore quelques vraies minutes lumineuses au creux de mon lit. Et durant ces instants volés au temps, elle ne sera que pour moi. »

« Une légère éclaircie pointe entre ses cils. »

« Ses paupières en forme d’ombrelles noires clignent en rythme avec les tic-tac de mon cœur. Plusieurs moues amusées et dubitatives défilent au coin de ces lèvres que je n’ai pas embrassées depuis trop longtemps. Les palpitations accélèrent sous mon cadran. Un picotement bien connu.
Elle enclenche alors son roulement de tambour appelant aux choses douces, une ébauche de fossettes s’allume. 
-Je t’aime en entier, conclut-elle.
Elle pose ses mains stratégiques, j’en ai le souffle coupé. Mes pensées se diluent dans mon corps. Elle éteint la lumière.
Son cou est saupoudré de grains de beauté minuscules, constellation descendant jusqu’à ses seins. Je deviens l’astronome de sa peau, fourre mon nez dans ses étoiles. Sa bouche entrouverte me fait loucher, j’ai des bulles dans le sang et des éclairs entre les cuisses. Je l’effleure de toutes mes forces, elle m’est fleur de toutes les siennes. De ses mains coule une douce électricité. Je m’approche encore. »

« Ses paupières sont closes, si magnifiquement closes. C’est un moment d’une étonnante sérénité. Elle saisit un engrenage entre son pouce et son index, doucement, sans ralentir son fonctionnement. Une marée de larmes monte d’un seul coup et me submerge. Elle relâche sa subtile étreinte et les robinets de la mélancolie s’arrêtent de couler. Miss Acacia caresse un deuxième engrenage – me chatouillerait-elle le cœur ? Je ris légèrement, à peine un sourire sonore. Alors, sans lâcher le second engrenage de la main droite, elle revient sur le premier avec les doigts de sa main gauche. Quand elle me plante ses lèvres jusqu’aux dents, ça me fait l’effet fée bleue, celle de Pinocchio, mais en plus vrai. Sauf que ce n’est pas mon nez qui s’allonge. Elle le sent, accélère ses mouvements, augmentant progressivement la pression sur mes engrenages. Des sons s’échappent de ma bouche sans que je puisse les retenir. Je suis surpris, gêné, mais surtout excité. Elle se sert de mes engrenages comme s’ils étaient des potentiomètres, mes soupirs se changent en râles.
-J’ai envie de prendre un bain, murmure-t-elle.
Je fais signe que je suis d’accord, je ne vois pas avec quoi je pourrai ne pas être d’accord, d’ailleurs. Je rebondis sur mes orteils pour aller jusque dans la salle d’eau et faire couler un bon bain bouillant.
Je fais doucement, pour ne pas réveiller Brigitte. Le mur de la pièce jouxte celui de sa chambre, on l’entend tousser.
Les reflets argent donnent l’impression que le ciel et ses étoiles viennent de tomber dans la baignoire. C’est merveilleux, ce robinet ordinaire qui disperse des étoiles molles dans le silence de la nuit. Nous entrons délicatement dans l’eau, afin de ne pas éclabousser ce délice. Nous sommes deux vermicelles étoilés, grand format. Et faisons l’amour le plus lent du monde, seulement avec nos langues. Avec les clapotis de l’eau, on se croirait chacun dans le ventre de l’autre. J’ai rarement ressenti quelque chose d’aussi agréable.
Nous chuchotons des cris. Il faut se retenir. Tout à coup elle se lève, se retourne et nous nous transformons en animaux de la jungle.
Je finis par m’écrouler de tout mon long, comme si je venais de mourir dans un western et elle se met à hurler lentement. Le coucou sonne au ralenti. O Madeleine…
Miss Acacia s’endort. Je la regarde pendant un long moment. La longueur de ses cils maquillés renforce la férocité de sa beauté. Elle est si désirable que je me demande si son métier de chanteuse ne l’aurait pas conditionné au point de prendre la pose pour des peintres imaginaires même en plein sommeil. Elle ressemble à un tableau de Modigliani, un tableau de Modigliani qui ronfle un tout petit peu. »

« -Joe sait combien tu es entière. Il sait allumer les mèches de tex cheveux, celles qui sont connectées à ton cœur en forme de grenade. Mais il sait aussi que sous tes allures de bombe, tu es fragile. Et qu’en laissant le doute s’immiscer, tu pourrais imploser. »

« Je la regarde s’envelopper de forêt. Les ombres des branches la dévorent. »

« C’est important l’état de jachère, ça fait partie du processus créatif ! »

« Je n’aurai jamais cru que ce soit si compliqué de garder à ses côtés la personne que l’on aime de toutes ses forces. Elle me donne sans compter, jamais de mesquinerie. Je donne aussi, pourtant elle reçoit moins. Peut-être parce que je donne mal. »

« Ces yeux dont j’ai tellement adoré la floraison des cils ne lancent plus maintenant que crachin et brouillard vide. »

« -Aujourd’hui je fais tout à l’envers parce que je ne sais plus comment m’y prendre pour arrêter de te perdre et ça me rend malade. Je t’aim…
-Et en plus tu y crois vraiment à tes mensonges ! C’est pathétique ! coupe-t-elle. Tu ne te comporterais certainement pas comme ça s’il y avait un peu de vrai dans tout ce que tu me racontes… Certainement pas comme ça. Va-t’en, va-t’en s’il te plaît ! »

« Tais-toi mon cœur ! Elle ne me reconnaît pas. Tais-toi mon cœur ! Personne ne me reconnaît. Moi-même j’ai du mal à me reconnaître. »

« Il l’embrasse encore. Il fait ça comme on fait la vaisselle, sans y penser. Comment peut-on donner un baiser à une fille pareille sans y penser ? Je ne dis rien. Rendez-la moi ! Vous verrez le cœur que j’y mettrai, quelle que soit sa matière ! Mes émotions s’agitent, mais je les retiens de toutes mes forces au plus profond de moi. »

« -Quelle est la bonne façon de vous draguer, alors ?
-Ne pas me draguer.
-Je le savais ! C’est exactement pour ça que je ne vous ai pas draguée ! »

« Miss Acacia, ou le don de faire en sorte que mes plans ne se déroulent pas comme prévu. »

« Je saisis ses fossettes entre mes doigts. Elles n’ont rien perdu de leur tendre éclat. J’appose mes lèvres contre les siennes sans rien dire. La douceur de ses lèvres me fait oublier un instant mes bonnes résolutions. Dans la boîte, je me demande si je n’ai pas entendu un cliquetis. Le baiser s’achève, il me laisse un goût de piment rouge. Un deuxième baiser prend le relais. Plus appuyé, plus profond, du genre qui rebranche l’électricité des souvenirs, trésors enfouis six pieds sous la peau. « Voleur ! Imposteur ! » siffle la partie droite de mon cerveau. « Attends ! On en reparle tout à l’heure ! » répond mon corps. »

« Une chevelure de vent et cette fameuse démarche de poupée boudeuse à peine désarticulée. »

« Elle nous avait promis de se faire à l’idée que tu souffrirais peut-être toi aussi de l’amour, car la vie est ainsi faite. Mais elle n’y est pas parvenue. »

La mécanique du cœur – Mathias Malzieu

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire