« Une
brise de mai, gonflée comme un fruit à la peau rêche, à la pulpe onctueuse, aux
graines abondantes. »
« Durant
ces années, le petit garçon de neuf ans était devenu un adolescent de quatorze
ans, et moi j’en avais à présent vingt-cinq. Et cela avait élevé entre nous
comme une barrière translucide que nous avions du mal à franchir. »
« Les
livres que j’avais lus étaient bien rangés sur les étagères, le lit où j’avais
l’habitude de dormir toujours là, proprement fait. Mon bureau et tous les vieux
disques que j’écoutais quelques années plus tôt, tout était là, bien en place,
mais tout était racorni, sans aucune des couleurs et des odeurs d’avant. Seul
demeurait le temps, invincible. »
« Je
changeai de position sur ma chaise en plastique et, la joue contre la main,
tentai de remonter les couches de ma mémoire. C’était comme si je grattais un
bouchon en liège avec la pointe d’un couteau effilé. »
« Les
saules aveugles sont pleins d’un pollen très puissant. De toutes petites
mouches chargées de ce pollen s’introduisent dans les oreilles de la femme et
la font dormir. »
« L’examen
attentif d’une oreille humaine vous amène à penser que, comparée à d’autres
organes, celle-ci est dotée d’une morphologie quasiment inconcevable. »
Saules
aveugles, femme endormie
« Le
directeur avait dans les quarante ans bien tassés. Grand, les épaules larges,
il avait dû être un sportif accompli dans sa jeunesse. A présent, il commençait
à s’épaissir, en particulier autour du menton. Et du ventre. Au sommet du
crâne, ses cheveux secs et raides se clairsemaient : il flottait autour de
lui une odeur de célibataire endurci, comme du papier journal et des pastilles
enfermés ensembles dans un tiroir depuis un certain temps. Elle avait un oncle
célibataire qui avait le même genre d’odeur. »
« Le
17 novembre, jour de son vingtième anniversaire, le travail avait commencé
comme d’habitude. »
« Même
à l’intérieur du restaurant flottait l’odeur de cette pluie de fin
d’automne. »
« A
vingt ans, on ne vit plus tout à fait dans l’univers des contes de fées. »
« Et
l’ombre qui ternissait la commissure des lèvres s’évanouit. »
Le
jour de ses vingt ans
« Le
premier à avoir passé le gouffre obscur qui sépare la réalité de l’irréalité
(ou l’irréalité de la réalité) fut un ami que je connaissais depuis
l’université, et qui enseignait l’anglais dans un collège. »
« La
femme qui mourut en décembre était la plus jeune. Elle avait vingt-quatre ans.
Vingt-quatre ans, l’âge où meurt une révolutionnaire ou une rock star. Une nuit
froide et pluvieuse, juste avant Noël, elle fut écrasée dans l’espace tragique
(et pourtant parfaitement banal) compris entre un camion qui livrait de la
bière et un poteau téléphonique en béton. »
« elle
avait aux lèvres un petit sourire suggestif – tel un crépuscule voilé. »
La
tragédie de la mine de New York
« Dans
ces instants, ses yeux ressemblaient à des lunes blanches à l’aube, flottant au
zénith du ciel. »
L’avion
ou Il se parlait à lui-même comme s’il lisait un poème
« la
chose la plus terrifiante au monde, c’est vous-même. »
Le
miroir
« Dans
les années 60, quelque chose de vraiment spécial a existé. »
« je
préfère les gens plus imparfaits, les gens dont la réalité est plus
tangible. »
« Lui
faisait partie de l’équipe de foot, elle du club de conversation anglaise. »
Un
récit folklorique de notre temps : la préhistoire du capitalisme à son
stade ultime
« Parfois,
dans le soleil, le thermos argenté miroitait sauvagement, comme la lame d’un
couteau. »
« Puis
les silhouettes de deux hélicoptères militaires firent leur apparition au large
et, semblables aux messagers d’une tragédie grecque porteurs de nouvelles
calamiteuses, ils vrombirent dans un fracas assourdissant au-dessus de nos
têtes et disparurent à l’intérieur des terres. »
« Nos
deux valises étaient posées au pied du lit, comme des animaux blottis
craintivement. Ah oui, pensai-je, demain, nous ne serons plus là. »
« Puis
je glissai dans ma poche une petite bouteille de Wild Turkey »
« C’était
la pleine lune, qui baignait le monde de teintes étranges – différentes de
celles du jour. Comme si on avait regardé le paysage à travers un filtre coloré
particulier, un filtre qui aurait donné à certaines choses une teinte plus
intense qu’elles ne l’avaient en réalité, et qui en aurait rendu d’autres aussi
incolores, aussi livides que des cadavres. »
Le
couteau de chasse
« C’est
seulement quand le type qui vient récolter l’argent pour la distribution des
journaux était passé que je m’étais rendu compte qu’un mois entier avait filé.
Eh bien oui, c’est la vie. »
Le
bon jour pour les kangourous
« Le
monde n’était qu’embêtements : dentiste, impôts, crédits pour la voiture,
air conditionné en panne… »
« La
mort, aussi paisible que des fonds sous-marins, aussi suave qu’une rose de
mai. »
Le
petit grèbe
« Avant
de mettre les pieds en Grèce, nous ne connaissions même pas le nom de cette île
située non loin de la frontière avec la Turquie. Par temps clair, on voyait
nettement sur la rive opposée les montagnes verdoyantes du continent turc. Et
les jours où le vent soufflait un peu fort, plaisantaient les gens du coin, on
pouvait humer les odeurs de kébab. Toute plaisanterie mise à part, c’était
vraiment l’Asie Mineure qui se profilait sous nos yeux. C’était l’île la plus
proche des côtes de la Turquie. »
Les
chats mangeurs de chair humaine
« Parfois,
je me suis moi-même retrouvé dans cette situation de tante-pauvre-sans-nom.
Pris le soir dans la bousculade d’une aérogare, ma destination, mon nom, mon
adresse, tout s’était échappé de ma tête. Mais, bien sûr, cela n’avait pas duré
longtemps, cinq ou dix secondes tout au plus. »
L’histoire
d’une tante pauvre
« Mais
ce qu’elles recherchent, c’est que quelqu’un s’intéressent à elles au-delà de
leur statut somme tout statique de « petite amie » ou d’
« épouse ». »
Nausée
1979
« Le
septième homme resta silencieux un moment et reagrda tous les autres à tour de
rôle. Personne ne parlait, personne ne faisait le moindre mouvement, à peine si
l’on respirait. »
Le
septième homme
« Durum
semolina. De la farine dorée, issue de blés cultivés dans les plaines
italiennes. Les Italiens, seraient-ils étonnés de savoir que ce qu’ils
exportaient en 1971, en réalité, c’était la solitude ? »
L’année
des spaghettis
« A
partir de maintenant, je ne cuisinerai et ne dégusterai que la nourriture que
je désirerai manger. »
Les
vicissitudes des piqu’crocks
« La
glace possède ainsi le pouvoir de conserver toutes sortes de choses. »
« Des
larmes de glace qui coulent sans fin. Et tombent dans notre maison de glace, au
pôle Sud, loin de tout. »
L’Homme
de glace
« Elle
avait vingt-six ans et enseignait l’anglais dans une école privée pour jeunes
filles. »
Les
crabes
«J’imaginais
qu’il détachait ses dents pour les brosser l’une après l’autre avant de les
remettre en place. »
La
luciole
« En
effet, c’était bien là un hasard incroyable. Imaginez un peu : une matinée
d’un jour de semaine, sans le café presque vide d’une galerie marchande presque
déserte, deux personnes s’installent côte à côte et lisent le même livre. En
plus, ce n’était pas un best-seller de renommée mondiale, mais un livre de
Charles Dickens. Et pas l’un de ses plus célèbres. Ce hasard étrange et
intriguant les prit tous les deux par surprise. Il leur permit également de
surmonter la timidité liée à cette première rencontre. »
Hasard,
hasard
« Je
suis comme un poulet : je fais trois pas et ma tête est vide. Alors
j’écris tout. J’ai entendu dire qu’Einstein avait l’habitude de faire la même
chose. »
La
baie de Hanalei
« C’est
plutôt les mots qui ont besoin de nous. »
Où
le trouverai-je ?
«Ils
entrechoquèrent leurs coupes qui firent entendre un léger tintement sybillin. »
La
pierre-en-forme-de-rein qui se déplace chaque jour
« Dites-moi,
vous connaissez sûrement l’expression : ‘Trois pas en avant, deux pas en
arrière’ pour caractériser la vie humaine, n’est-ce pas ? »
Le
singe de Shinagawa
Recueil
de nouvelles : Saules aveugles, femme endormie – Haruki Murakami
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