"Nous eûmes une discussion violente: Tim voulait faire sauter la dynamite. Sylvia l'observa depuis l'entrée de la cabane, l'air ahuri et je finis par céder, par pure curiosité. Après tout, cela pourrait être un galop d'essai et je n'avasi jamais vu deux caisses de dynamite exploser. Tim renvoya Sylvia à la voiture, pour le cas où les choses tourneraient mal. Je surveillai les environs, tandis qu'il bricolait avec ses tenailles, les capsules et un petit rouleau de mèche. Quand il en eut terminé nous descendîmes de la colline pour rejoindre Sylvia, qui attendait à une centaine de mètres en contrebas. Tim courut à la voiture et sortit une grosse batterie du coffre. Sylvia grimaçait et je passai mon bras autour de sa taille. Elle était éblouissante dans la lumière jaune du soir qui jouait sur son visage, dans ses cheveux et sur ses jambes.
L'orage commençait à éclater et des grosses gouttes sporadiques de pluie soulevaient de petits cônes de poussière. Tim abouta un autre rouleau de mèche et nous déplaçâmes la voiture à une centaine de mètres plus bas, tandis qu'il déroulait le fil en nous suivant à pied. Sylvia était tout excitée et se retourna dans son siège pour regarder Tim à travers la vitre arrière. Son slip aujourd'hui était en voile noir, arachnéen, et j'oubliai un court instant ce que nous étions en train de faire. Je lui caressai la jambe, mais elle me donna une tape sur la main pour l'écarter, tout en gardant le sourire. Je mis la voiture en position. Nous bavardâmes un moment en fixant la route nerveusement, chacun de notre côté. Puis je passai sur la banquette arrière.
Quand cela arriva, je sus que je m'en souviendrais clairement jusqu'au jour de ma mort. Tim se tenait là devant nous, berçant la batterie dans ses bras et tenant la mèche d'une main. Il nous souriait. Il avait l'air d'un illuminé ou alors de l' homme le plus heureux de la terre. La main qui tenait la mèche bougea et établit le contact juste au moment où un vieux camion tout déglingué arrivait du haut de la colline, dans notre direction. Pour une raison que j'ignore, je suivis des yeux le camion qui se rapprochait au lieu de regarder l'explosion derrière les rochers. Il était peut-être à quatre cents mètres de nous lorsque la charge sauta. Tim était dans la voiture lorsque l'onde de choc arriva avec le bruit spectaculaire qui s'ensuivit. Sylvia hurlait. Plus tard, l'impact me parut aussi fort que celui d'un millier de ces pétards qu'on fait sauter le 4-Juillet. Les pneus brûlèrent et fumèrent et nous pûmes voir le visage ahuri de trois Indiens en croisant le camion. Ils s'étaient arrêtés, à cheval sur la ligne jaune et Tim dut donner un coup de volant pour les éviter. Ma peau picotait et j'en avais oublié de respirer. C'était magnifique. Sylvia s'arrêta de crier et se tourna vers moi, les yeux encore tout hébétés. Tim poussa la voiture à plus de 160 kilomètres à l'heure et le vent s'engouffrait bruyamment par les vitres ouvertes."
Un bon jour pour mourir - Jim Harrison
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