« sa nature revendiquée de WASP, de White
Anlgo-Saxon Protestant ; sa correspondance immense (40 000 ? 60 000
lettres ?) ; bien sûr, sa vocation pour l’écriture. On sait moins
qu’il a voyagé aussi souvent que ses faibles moyens financiers le lui ont
permis ; qu’il a eu une vie sociale intense lors des années par ailleurs
très dures, de New York (1924-1926) ; son amour des chats et des glaces,
pour tout dire, des petits plaisirs de la vie ; en somme, qu’il a vécu
comme un homme de son temps, et pas seulement comme un gentleman enfermé dans
sa tour d’ivoire de Providence Plantations, RI. » (5)
« Si Lovecraft n’était pas un philosophe, il
avait néanmoins une philosophie, S.T. Joshi, son biographe, l’a montré, et
cette philosophie se confondait avec le fait qu’il était profondément
matérialiste et athée. Son matérialisme était des plus (5) stricts. Cela
signifiait trois choses. La première est qu’il croyait à la généralité et à
l’universalité des lois régissant la causalité. La seconde, qui découle de la précédente,
est que ce qui est à l’origine de l’événement est sa cause, non son but. Il n’y
a donc pas de finalité. La troisième et dernière est que, tout répondant à la
même loi de causalité, tout est de la même et unique substance. Lovecraft est
donc moniste. »
« En effet, l’athéisme de Loevcraft découle tout
autant de son rejet violent des religions existantes. Il leur reproche en
premier lieu d’être des inventions de l’homme primitif et pense que le progrès
aurait du avoir raison d’elles – du moins auprès des personnes instruites. Plus
spécifiquement il refuse le christianisme, sa religion natale, qu’il accuse
d’avoir assassiné la civilisation romaine et d’être étrangère à la race à
laquelle il se considère appartenir, la race aryenne. »
« C’est pour cela que l’on peut paradoxalement
évoquer un christianisme de Lovecraft et même voir en Lovecraft un puritain –
un puritain athée, certes – et qu’on en trouve trace, notamment dans sa vie
privée. »
« La nature foncière de l’horreur lovecraftienne
est d’être athée et c’est cela qui la rend si originale et si actuelle malgré
son âge. » (6)
« Lovecraft découvre l’astronomie en 1902. C’est
l’une des deux découvertes les plus poignantes de sa vie, révèle-t-il dans
« La confession d’un incroyant », un texte autobiographique de
1922. »
« Il la découvre dans de vieux livres
appartenant à sa grand-mère maternelle, Robie Phillips. Rapidement, il se constitue
un bibliothèque personnelle sur le sujet et se fait offrir en 1906, un télescope
Bardon de 3 pouces à 50$, une belle somme pour l’époque. Il le gardera toute sa
vie. » (8)
« Il connaît (8), en effet, à l’âge de 18 ans,
un écroulement nerveux qui l’oblige à renoncer à entrer à l’université. Il
souhaitait s’y inscrire pour suivre des cours lui permettant de devenir astronome
professionnel. »
« Lovecraft souffrait en effet d’un niveau en
mathématique insuffisant pour suivre le parcours universitaire de l’astronome
professionnel. »
« L ‘astrologie et l’astronomie sont mère
et fille et la première a protégé la seconde et l’a élevée. Certes,
l’astrologie est une « pseudo-science » et un système faux et
ridicule », mais son origine est légitime et son utilité dans les premiers
temps, hors de discussion. Les peuples dans leur enfance ont décelé des
corrélations entre la position des astres et les événements terrestres. »
(9)
« De là sont nées à la fois l’astrologie et la
religion. Et, de la croyance en l’astrologie, est venue la nécessité de
connaître scientifiquement le mouvement des astres, l’astronomie. »
« La genèse des astres ne le laisse pas
indifférent d’autant qu’elle a des implications métaphysiques qui jouent un
rôle non négligeable dans la forme prise par sa fiction. En effet, sa
philosophie personnelle, qu’il nommait lui-même indifférentisme, et que le
présent ouvrage se donne pour but de définir en partie, impliquait, dans un
premier temps, l’extrêmes pluralité des mondes. » (10)
« Cette généralité des mondes habitables, et par
conséquent potentiellement habités, venait du fait que Lovecraft croyait dans
sa jeunesse à la théorie nébulaire laplacienne comme explication de la création
des planètes. »
« Voilà de quoi, pour Lovecraft, rabattre
l’orgueil de l’homme qui se croit spécialement et intentionnellement créé par
un Dieu bienveillant et satisfait de sa création.
Cependant, quelques années plus tard, Lovecraft
renonce à cette théorie. Il fait notamment état de cet abandon dans une lettre
à Woodburn Harris datée du 25 février – 1er mars 1929. La théorie en
question a en effet été remise en question par Thomas Chamberlin et Forest
Moulton dès 1905. » (11)
« Ainsi écrit-il à Nils Frome le 8 février
1937 : (…) Au lieu de nous lamenter sur notre insignifiance,
contentons-nous de ce que nous avons, cultivons notre curiosité intellectuelle
par l’étude et développons notre sens esthétique par l’imagination et la
création artistique. »
« Pour l’univers, la vie humaine n’est
rien ; pour l’homme, elle est tout et cela doit le contenter. Ecartelé
entre deux vérités qui paraissent contradictoires, Lovecraft semble manquer de
cohérence. » (12)
« Viendra un jour où, dans la nuit des soleils
éteints, erreront des planètes glacées. Cette vision n’est pas exactement
scientifique car l’entropie ne consiste pas en une glaciation de l’univers,
mais en sa disparition. Elle reste néanmoins celle de Lovecraft et le
vocabulaire qu’il emploie pour en rendre compte n’est pas sans évoquer les
meilleurs moments de sa fiction. »
« Le panthéisme est, selon la formule de
Schopenhauer, un athéisme poli et Lovecraft était un athée tout ce qu’il y a de
plus poli. Il était le plus souvent respectueux à l’égard des religions car il
voyait en elles le garant de l’ordre social… »
« On sait que la plupart des « dieux »
lovecraftiens ne sont rien d’autre que des créatures extraterrestres que seul
un savoir impie rend supérieures aux humains. » (13)
« Un panthéisme dont la fonction narrative est
d’établir la scène neutre, car absolument dénuée de finalité, d’une pièce de
théâtre tragique où s’agitent sans but les hommes et les extraterrestres, les
seconds broyant les premiers, mais n’étant pas à l’abri d’être broyés à leur
tour par plus grand qu’eux. »
« Le cosmos est donc la scène indifférente où se
joue la tragédie de la vie. Cette pièce que joue le vivant est le drame du
struggle for life darwinien. »
« En cela, il est tout à fait de son époque. Le
darwinisme de Lovecraft tient donc plus de Haeckel que de Darwin
lui-même. » (14)
« Lovecraft fait de la théorie darwinienne
elle-même le mécanisme provoquant l’horreur chez le lecteur. » (15)
« L’horreur (16) que veut communiquer Lovecraft
est celle d’une science qui découvre la nature animale de l’homme et le fait
que tous les hommes sont cousins du fait d’une origine simienne commune. »
« L’homme n’est pas l’animal familier du vieil homme
à barbe blanche qu’il nomme son père et qui est son Dieu. Il est un animal
parmi d’autres, fût-il blanc, faut-il rajouter pour comprendre Lovecraft et ses
lecteurs. Placé dans le flux aveugle de l’évolution, c’est-à-dire de la
sélection naturelle et de la sélection sexuelle, l’homme apparaît indigne des
plans que l’on prête à Dieu le concernant. »
«Créature de la nature, l’homme a encore une
dignité : celle de tous les êtres. C’est certainement pour le rabaisser
plus encore que Lovecraft a écrit Les
montagnes hallucinées, mais ce n’est certainement pas la seule raison, nous
y reviendrons. Ce court roman écrit en 1931, mais publié seulement en 1936 dans
Astounding Stories – Weird Tales
l’avait refusé car la jugeant trop long-, est le récit a posteriori d’une expédition en Antarctique. William Dyer, le
narrateur, met en (17) garde les instigateurs d’une nouvelle expédition
antarctique et leur demande de renoncer à celle-ci à cause de ce qu’ils
pourraient trouver au-delà des montagnes hallucinées, cette formidable chaîne plus
élevée que l’Himalaya découverte par son équipe.
Voici les grandes lignes de ce récit. En 1930,
William Dyer a dirigé une expédition d’explorations polaire pour le compte de
l’Université Miskatonic d’Arkham. Il s’agissait d’une mission géologique en Antarctique.
Sans entrer dans les détails d’une histoire assez complexe et longue- le texte
lui-même fait plus de 41 000 mots dans la version originale- il est important
de préciser que l’expédition aboutit à quatre découvertes. La première, qui
coûte la vie à plusieurs membres de la race des Anciens dont certains
s’«éveillent » de leur congélation. L’expédition sera en effet scindée en
deux groupes dont l’un, sous la responsabilité du professeur Lake, s’était
aventurée plus à l’ouest, découvrant ainsi les montagnes hallucinées et, non
loin d’elles, quatorze êtres dont les huit semblaient en bon état de
conservation ; les six autres étant abîmés. Ces Anciens (Old Ones ou Elder Things) sont des créatures mi-animales mi végétales dont la description
évoque plus, par la symétrie radiale qui est la leur, certaines pages des Kunstformen der Natur d’Haeckel que la
tératologie traditionnelle. Exposées au soleil, les créatures intactes ont
repris vie et, soit de leur propre initiative, soit en réaction à l’attaque des
chiens qui leur étaient très violemment hostiles, massacrent les hommes et les
chiens à l’exception d’un représentant de chaque espèce emporté dans un but que
l’on devine scientifique.
Ekphrasis spenglérienne
La seconde des découvertes est relative à l’histoire
des Anciens. Dyer et Danforth dépassent en avion, lors d’un vol de
reconnaissance, les fameuses montagnes hallucinées, montagnes gigantesques au
pied desquelles les corps des Anciens ont été découverts. Au-delà, se révèle à
eux une immense cité. En l’explorant, ils mettent à jour des bas-reliefs
racontant l’histoire des Anciens. C’est une vaste fresque historique (17) que
Lovecraft nous dévoile, non sans une certaine maladresse, d’ailleurs. En effet,
même en considérant l’extrême talent des Anciens et qu’il s’agit là d’un récit
fait a posteriori et élaboré en large partie à la lumière de la lecture
d’ouvrages rapportant certains faits convergents- on songe au Necronomicon-, on
ne peut qu’être surpris de la quantité d’informations réunies d’après la vision
rapide (au plus, cinq heures- de simples bas-reliefs.
L’histoire des Anciens est celle de la grandeur d’une
civilisation et de son déclin. Lecteur d’Oswald Spengler, Lovecraft ne partage
pas entièrement sa vision biologisée de l’histoire des civilisations.
Cependant, Lovecraft prête au narrateur une vision assez proche de celle de
Spengler. Dyer fait donc le récit de l’histoire de la civilisation des Anciens
sur le mode biologique. Elle naît, vit, atteint son acmé puis meurt de
vieillesse comme le ferait un être vivant. L’évolution de cette civilisation
trouve un écho dans son art. Ainsi donc, Dyer et Danforth, en lisant l’histoire
des Anciens au travers des bas-reliefs, constatent le déclin de la civilisation
de ces derniers dans son ensemble par celui des qualités artistiques de la
statuaire. Lovecraft parle de façon flagrante de « murs décadents »
et il prête aux Anciens de l’époque tardive la même attitude que celle de
Constantin pillant les œuvres d’art de l’âge classique pour orner sa ville,
Constantinople. Dans un cas comme dans l’autre il s’agit de réutiliser ce que
l’on est désormais incapable de créer.
Cependant, à l’instar de Rome, la civilisation des
Anciens n’est pas morte de sa belle mort, elle a été assassinée. En effet, pour
satisfaire à ses besoins de main-d’œuvre, les Anciens ont créée une race d’être
polymorphes, capable d’obéir aux impulsions psychiques de leurs maîtres et de
prendre la forme souhaitée pour accomplir telle ou telle tâche. Grâce à ces
êtres nommés shoggoths, les Anciens ont pu bâtir d’immenses cités sous la mer.
Avec le temps, ces shoggoths ont acquis un cerveau semi-permanent et se sont révoltés.
Matés dans un premier temps, ils finissent par l’emporter sur les Anciens comme
Dyer et Danforth le soupçonnent tout d’abord en voyant que les bas-reliefs
deviennent de « détestables palimpsestes » où l’art tardif des
Anciens de la décadence est recouvert de gravures essentiellement décoratives
et convention-(19)nelles relevant d’un art dégénéré, grossier, prétentieux dont
le lecteur devine que les auteurs sont les shoggoths eux-mêmes.
Pour comprendre la pleine signification de ce
changement artistique il faut de nouveau se tourner vers Spengler et l’une de
ses métaphores. Il existe en minéralogie un processus appelé pseudomorphose par
substitution. Il désigne le remplacement d’une substance par un autre sans que
la structure de la première ne soit en rien modifiée. Chez Spengler, la
pseudomorphose est une métaphore explicative du maintien des formes externes
d’une civilisation alors que celle-ci change radicalement dans son cœur même.
Les shoggoths, qui furent les esclaves des Anciens, ont remplacé ceux-ci, mais
continuent à vivre dans les mêmes murs qu’eux (comme des bernard-l’hermite),
dans leur propre cité, pratiquant sans raison un art qui singe le leur. »
« Création de la science des Anciens, puis se
retournant contre eux, les shoggoths illustrent la nature faustienne ou
prométhéenne de la science. (20) »
« Les Anciens sont nos frères dans la science,
mais ils sont aussi nos pères par la science, et c’est là la troisième
découverte. »
« Il faut voir là une mise en garde politique
et, au-delà, métaphysique. Ces shoggoths, ces esclaves qui se glissent dans la
coquille vide d’une civilisation disparue, sont bien évidemment une allégorie
tout à la fois des noirs américains, mais aussi des non-anglo-saxons qui
viennent s’installer sur le sol des Etats-Unis. Ces derniers sont dans New York
comme les shoggoths sont dans la cité des Anciens. Il singent, ils imitent,
mais ils ne sont en rien dans la continuité de ce qui a précédé. Dans la lutte désespérée
pour la vie dans un monde sans Dieu où la puissance est de droit, les plus
forts- Anciens, Occidentaux- doivent parfois être protégésdes plus faibles-
shoggoths, noirs, immigrés- qui par leur nombre et leur absence de libido
sciendi se révèlent des concurrents farouches.
La découverte finale- la quatrième- d’un shoggoth
vivant dans les ruines de la cité des Anciens témoigne de cette vérité profonde
que l’on doit à Nietzsche selon laquelle il faut parfois protéger le plus fort
du plus faible. (21) »
« Les montagnes hallucinées nous rappellent que
le darwinisme athée de Lovecraft est fondamentalement raciste et qu’il est
risqué de le penser en passant cela sous silence soit par ignorance, soit à
dessein. (22). »
« La vision que Lovecraft a de la naissance et
de l’évolution des religions est purement anthropologique car, « même les
mouvements religieux de premier plan ont leur histoire secrète- généralement de
nature matérialiste » écrit-il en 1921 dans In Defense of Dagon. Cette
lecture matérialiste de l’histoire des religions n’est pas foncièrement
originale et l’on devine sans mal que Lovecraft est un connaisseur de
Fraser. »
« Cependant, Lovecraft ne voit pas dans la peur
la cause unique des religions. Il en voit au contraire plusieurs dont il
s’ouvre à Long dans une lettre du 22 novembre 1930. Il y a aussi
l’émerveillement face à l’inconnu, ce qu’il appelle la perversion érotique et,
bien évidemment, l’incapacité de penser la causalité en dehors de
l’intentionnalité. Il faut ajouter à cela le sommeil et le rêve. Le sommeil,
identifié à la mort, laisse croire que celle-ci peut n’être que passagère et le
rêve fait deviner l’existence d’un arrière-monde que l’on interprète à tort
comme réel et objectif, et non subjectif et strictement relatif au rêveur.
Enfin, le sommeil et le rêve entraînent une vision dualiste où l’âme est
distincte du corps et capable d’accéder à un autre monde : celui que le
rêve dévoile momentanément. (23) »
« Dans la philosophie classique domine
l’interprétation aristotélicienne de la causalité qui voit à chaque conséquence
quatre causes : ma cause matérielle, la cause formelle, la cause
efficiente et, enfin, la cause finale. Cette dernière était pour Aristote
particulièrement importante. Il l’appelait télos et c’est d’elle que vient
l’idée que la causalité a un sens. Or, chez Lovecraft, la causalité est
purement mécanique. (24) »
« D’ailleurs, le fameux distique que l’on trouve
dans le Necronomicon : « N’est pas mort ce qui à jamais dort/ Et au
long des siècles, peut mourir même la mort » dit par son ambiguïté et son
caractère décevant toute la distance qui nous sépare, nous autres humains, de
ce que nous appellons Cthulhu sans vraiment arriver à prononcer ce mot et encore
moins à concevoir de qui ou de quoi il s’agit réellement.
Les cultes qui peuplent les récits de Lovecraft ont
tous en commun de surintérpréter anthropologiquement les signes qu’ils croient
percevoir dans les actes des entités qu’ils adorent. Mais le mécanisme est
exactement celui du barbare qui surintérpréte les phénomènes naturels en leur
prêtant une volonté analogue à celle de l’homme. En cela, la fiction de
Lovecraft fait doublement œuvre de démythologisation. D’une part, elle se
démythologise elle-même en démontrant que des cultes que l’ont croit rendus à
des êtres surnaturels ne sont rien d’autre que des malentendus presque bouffons
avec des extraterrestres ; d’autre part, elle démythologise toutes les religions
en montrant comment elles naissent de la sur-interprétation de ce qui est perçu
au travers d’une lecture qui voit en la volonté de l’homme la mesure de toute
chose. (25) »
« Cependant, en prenant en compte les phénomènes
naturels, les religions ont un rapport profond
à la réalité. Plus généralement, les religions se fondent sur la Nature
et, en cela, elles entérinent, souvent de façon empirique, l’application de
lois naturelles. Ainsi, par exemple, la contrainte morale que l’on retrouve au
sein de la plupart des religions ne fait que prendre en compte cette loi
quasi-scientifique qui veut que la maximalisation du plaisir passe par la
modération. Dans « The Poe-et’s Nightmare », Lovecraft cite Terence à
ce sujet : « l’excès est toujours cause de désordre ». Les religions
ne sont donc pas absurdes, notamment dans leurs aspects moraux, bien au
contraire. »
« Comme nous l’avons vu, Lovecraft découvre la
culture gréco-latine à l’âge de six ans. C’est l’un des évènements fondateurs
de sa formation intellectuelle. (26) »
« Il est amusant de noter que Lovecraft
reproduit dans sa biographie le cheminement qu’il prête à la civilisation
occidentale. »
« La lecture spenglérienne qu’il prête au
narrateur des Montagnes hallucinées s’accommoderait assez bien d’un tel
glissement entre biographie, philosophie et fiction. Les civilisations sont
comme les hommes, elles ont une enfance dans laquelle elles connaissent la
croyance simple et directe à des dieux visibles dans les phénomènes de la
nature, puis vient l’âge adulte où, avec les peurs de l’enfance, le besoin de
croire s’est envolé, ensuite, vient la vieillesse où la proximité de la mort
peut incliner certains à renouer avec la foi de leur enfance, mais sans la
naïveté originelle. (27) »
« En somme, ce qui séduit Lovecraft en Rome,
c’est son degré supérieur d’organisation et sa capacité à l’imposer aux autres,
mais aussi, certainement, sa vision conformiste de la pratique religieuse,
respectée plus au nom de la tradition et du bon goût plus que par crainte des
dieux. (29) »
« Lovecraft, en lecteur de Margaret Murray et de
Sir James Fraser, croyait que des cultes archaïques pré-aryens avaient
subsisté, malgré la christianisation, au sein de certaines communautés
rurales. (32) »
« Certes, Lovecraft est resté toute sa vie
favorable au régime de l’Allemagne nazie et à son dirigeant, « der Schön
Adolf », comme il l’appelle dans une lettre à Alfred Galpin datée du 25
juillet 1934, en revanche, son désaccord sur la façon dont l’Allemagne traitait
les Juifs n’était pas causé par son seul refus de la violence. L’antisémitisme
de Lovecraft, pour partager son origine avec l’antisémitisme nazi, diffère de
lui sur de nombreux points. En cela, il se rapproche d’un autre antisémitisme,
allemand lui aussi, mais plus philosophique et spirituel, celui de penseurs
conservateurs comme Spengler ou Heidegger. »
« Lovecraft est un homme de la culture qui
privilégie cette dernière, c’est-à-dire l’acquis, sur l’inné, même s’il
n’ignore pas l’importance de ce qui est hérité. (34) »
« De plus, il voit à la fin de sa vie la
religion comme étant un obstacle à des changement sociaux nécessaires.
(36) »
« Il a cru, dans sa jeunesse, que seule
l’aristocratie pouvait défendre ce qui comptait vraiment pour lui. Il pense à
la fin de sa vie que c’est l’organisation étatique de l’économie qui peut
préserver le type de domination qu’il affectionne et qui est « le seul
enthousiasme politique ou social que j’ai » comme il écrit dans la même
lettre. »
« Pour lui, en effet, il est parfaitement
possible de fonder la morale et les mœurs sur autre chose que sur la
transcendance comme nous l’avons vu plus haut. (37) »
« L’adhésion de Lovecraft au mythe courant à
l’époque de la race aryenne est mâtinée chez lui, comme chez beaucoup d’autres,
d’une lecture superficielle de Nietzsche. (38) »
« En effet, pour Lovecraft la guerre a une
double légitimité philosophique. D’une part, elle est naturelle :
« toute vie est lutte et combat ». D’autre part, elle est esthétique
comme l’exprime Lovecraft, dans une lettre à James Ferdinand Norton datée du 10
février 1923… »
« Le nietzschéisme de Lovecraft est donc
essentiellement rhétorique puisque le passage à l’acte de l’engagement
militaire a avorté. (39) »
« le dieux païens sont supérieurs au Dieu des
Chrétiens, cela ne fait aucun doute pour Lovecraft. Ils sont supérieurs
esthétiquement et moralement en ce qu’ils ne s’opposent pas aux vertus
naturelles des aryens. »
« L’athéisme de Lovecraft n’est en aucun cas un
athéisme revendicatif et prosélythe. (40) »
« A fortiori, il condamne la propagande
antireligieuse du système soviétique. Pour lui, elle ne vaut pas mieux- et même
plutôt moins- que l’endoctrinement religieux. Lovecraft est un athée, mais un
athée qui respecte la tradition, dans laquelle il s’inscrit. (41) »
« Car, pour lui, le catholicisme est étranger à
la tradition américaine. Il voit, d’ailleurs, d’un mauvais œil l’immigration
des Canadiens français comme celle des Italiens en Nouvelle-Angleterre, car,
comme il l’écrit à sa tante Lilian le 11 janvier 1926, les immigrés européens
« formeront une culture catholique romaine distincte et hostile à la
nôtre. » (42) »
« Mais si l’univers est absurde, nos vies ne le
sont-elles pas aussi et, dans ce cas, à quoi bon vivre ? Cette double
question Lovecraft se l’est posée et y a réfléchi avec une rare acuité depuis
son plus jeune âge, lorsque la découverte des immensités cosmiques, grâce à
l’astronomie, lui a fait perdre sa naïve fois dans les divinités agrestes du
paganisme hellénique et romain. (44) »
« Certes, il voyait dans la mort l’arrêt de
toutes les souffrances, mais elle est aussi une séparation définitive car il
n’y a nul paradis où se retrouvent ceux qui se sont aimés. »
« Il est mort le 15 mars 1937, mais le 11, il
faisait encore par écrit des observations sur son état. Il suit et décrit pas à
pas l’avancement du cancer des intestins qui finit par
l’emporter. (48) »
« Certes, il voyait sans doute dans le
socialisme national de Roosevelt l’élément organisationnel qui manquait à la
société, mai sil est douteux qu’il se soit imaginé en bénéficiaire des
changements qu’il supposait pouvoir s’opérer. Au contraire, l’immigration
incessante continuait à constituer, pour lui, plus qu’une menace, un danger
pour le monde tel qu’il l’avait connu. (49) »
« Borné d’un côté par le journalisme amateur et
de l’autre par le journal Weird Tales, entre la déjà vieille fiction gothique
et la toute nouvelle science-fiction (on disait alors scientifiction), c’est
dans un tout petit domaine que Lovcraft s’est imposé tout d’abord par des
fictions gothiques ou oniriques inspirées de Poe et de (50) Dunsany puis par
des fictions beaucoup plus personnelles
qui se rapportent à la weird science et à la science fiction. »
« Il n’est ni absurde ni arbitraire de séparer
la carrière littéraire de Lovecraft en deux parties. Le tournant se faisant
avec l’écriture de « L’appel de Cthulhu » en 1926, qui se
différenciait des nouvelles antérieures par l’absence totale de surnaturel et
par la dimension cosmique des implications du récit. (51) »
« Il y a dans la littérature d’horreur une école
qui veut que l’anormal se glisse de façon subreptice et presque indécelable
afin de créer un climat où ma normalité est subvertie de
l’intérieur. (52)»
« Le lieu de l’horreur lovecraftienne n’est pas
l’esprit du protagoniste, mais le monde dans lequel il vit et où cette horreur
se déploie matériellement. Elle est radicalement externe, elle n’est en rien
psychologique. (52) »
« Seuls les phénomènes importaient vraiment pour
Lovecraft. Les êtres humains ne sont présents dans ses histoires que pour en rendre
compte par leur mort ou par leur folie. Ils sont des martyrs au sens
étymologique, ils sont des témoins. (55)»
« La folie n’est jamais à l’origine de
l’horreur, elle en est une conséquence seconde, presque anecdotique au niveau
choisi par l’auteur. Quelle importance peut avoir la folie d’un homme ou même
sa mort à l’échelle d’un drame cosmique ? Car l’échelle de l’horreur
lovecraftienne est cosmique. (55) »
« En vérité, cette fiction provoque l’horreur de
deux façons convergentes qu’il nous appartient de distinguer. Il y a à la fois
la question de l’homme par rapport aux autres entités qui hantent les pages des
nouvelles de Lovecraft et aussi celle de l’être humain dans un mond où règne
l’absence de cause finale et donc d’économie salvifique. » (56)
« Ainsi, la Grand’Race de Yith (« Dans
l’abîme du temps ») ou les Anciens (Les montagnes hallucinées) sont
résolument d’un autre ordre que les formes de vie existantes sur notre planète.
Souvenons-nous, dans Les montagnes hallucinées, du trouble de Lake incapable de
classer les Anciens entre le règne végétal et le règne animal.
Des deux races que nous venons de citer, l’homme
n’est pas le contemporain. Il se heurte donc à elles que dans des conditions
exceptionnelles que racontent ces deux grands textes que sont Les montagnes hallucinées
et « Dans l’abîme du temps ». Dans le premier de ces deux récits,
c’est la découverte accidentelle d’un groupe d’Anciens conservés par la glace
qui entraîne leur retour à la vie avec les suites que l’on a décrites plus
haut. Ce qu’il est intéressant de noter ici, c’est que la violence des Anciens
est à la fois seconde- le premier sang à couler est le leur, pas celui des
hommes – et très humaine en fin de compte. Paradoxalement, c’est la dissection
du « pauvre Gedney », en ce qu’elle témoigne d’une libido sciendi qui
semble tout à fait humaine, qui pousse Dyer à les considérer comme des hommes à
leur façon. D’ailleurs, hommes et Anciens se retrouvent quasiment sur un pied
d’égalité face à la menace des shoggoths. Le rapport à cette création
artificielle de la vie par les Anciens est strictement celui de la prédation et
ce sont les Anciens et les hommes qui sont les proies… Cette création démontre
l’hubris des Anciens. Une démesure qui leur a coûté d’être finalement
supplantés dans leurs propres cités sous-marines par leurs anciens esclaves les
shoggoths et sur la terre par ceux qu’ils ont crées par jeu ou par accident,
les hommes.
« Dans l’abîme du temps » nous offre un
récit situé sur une toute autre échelle de temps que Les montagnes hallucinées.
Avant l’homme, avant même les Anciens, la Terre a connu le règne de la
Grand’Race de Yith. Celle-ci, sans être bienveillante, ne nous est en rien
hostile. Elle ne porte atteinte à la santé mentale du narrateur Nathaniel
Peaslee qu’en l’exposant indirectement
et involontairement à un trop grand savoir. Le drame que vit le personnage
principal est qu’il se souvient, malgré l’effacement théorique de sa mémoire,
d’avoir eu accès à une parcelle du savoir de cette race extraterrestre qui avait
pris possession de son corps en échangeant son esprit avec celui d’un des
siens. Nathaniel Peaslee est donc une perte collatérale dans un plan plus vaste
qui est l’enquête méthodique que mène la Grand’Race sur l’histoire de toutes
les civilisations ayant vécu sur Terre.
Si l’homme n’est pas contemporain des Anciens ou de
la Grand’Race de Yith, il l’est en revanche de Ceux du Dehors. Ce peuple venu
de Yuggoth, c’est-à-dire de Pluton (découverte en 1930), n’est présent sur
Terre que pour exploiter en secret certaines ressources minières. » (57)
« Cependant si les rapports des hommes avec ces
trois races sont à penser sur le mode de la terreur et de la folie, il n’e
s’agit aucunement de haine. » (58)
« Les premiers traîtres à la race humaine de la
fiction lovecraftienne se rencontrent dans « L’appel de Cthulhu ». Il
s’agit des adorateurs de Cthulhu que l’inspecteur Legrasse arrête alors qu’ils
se livrent à un de leurs rites orgiaques, « plus diabolique que le plus
noir de tous ceux pratiqués dans les milieux africains », dans un marais
de Louisiane. » (58)
« Une fois la color line franchie, plus rien
n’arrête l’hybridation et la différence entre le métissage d’un blanc avec un
noir et celui d’un homme avec un de Ceux des profondeurs comme dans « Le
cauchemar d’Innsmouth » n’est pour Lovecraft pas de nature, mais de degré.
D’ailleurs, le dégoût légitime à l’égard des hybrides
d’hommes et de Ceux des profondeurs habitant Innsmouth est, dans l’ignorance de
cette hybridation, interprété et justifié comme une simple préjugé
racial. » (58-59)
« Mais avec « L’appel de Cthulhu » et,
surtout, avec « Le cauchemar d’Innsmouth », le recours à l’état
d’exception est illustré et défendu par Lovecraft au travers de sa fiction,
Ainsi, dans la première de ces deux nouvelles, le fait que seuls deux
adorateurs de Cthulhu soient pendus indique que les preuves ou que l’état
mental de tous les autres n’ont pas permis de les condamner, Néanmoins ils sont
privés de liberté puisque internés dans un cadre psychiatrique. Or, celui-ci déroge
par définition du droit commun puisqu’il laisse aux savants (comme ceux qui
décident de la destruction de la momie dans « Faits concernant feu Arthur
Jermyn ») le droit d’enfermer ceux qui tombent sous leur
juridiction. » (59-60)
« Peut-être le modèle des évènements d’Innsmouth
est-il à chercher du côté de ce qui s’est passé à Malaga Island en 1912 et dont
Lovecraft avait sûrement eu vent. Sur cette petite île du Maine subsistait
depuis la fin de la guerre entre les Etats en 1865 une communauté de métis
(blancs, noirs, indiens) échappant à l’administration et à la bureacratie. A la
fois par humanitarisme et par hygiènisme, la communauté a été dispersée par la
force et en dehors du cadre légal sous l’impulsion du gouverneur de l’époque,
le démocrate Frederick W. Plaisted. Là, comme à Innsmouth, il s’agit de défaire
une communauté métisse et hors norme. Mais bien sûr, dans la fiction de
Lovecraft, le métissage se fait avec des entités d’origine extraterrestre et la
méthode de liquidation est autrement plus brutale, On ne peut néanmoins
s’empêcher de faire le parallèle. De même, il est difficile de ne pas voir une
allusion à la politique raciale allemande dans le fait de Ceux des profondeurs
craignent la swastika… » (60)
«La souillure que constitue l’hybridation d’un homme
avec ce quasi-dieu est trop grande. Il faut l’éradiquer en en détruisant les
preuves vivantes que sont les hybrides eux-mêmes. » (60)
« La nature de l’horreur lovecraftienne est tout
d’abord dans l’absence totale d’instance supérieure. Nous sommes seuls face à
nos prédateurs dans le grand struggle for life cosmique. Il y a une sorte
d’amère théodicée athée chez Lovecraft. Elle fait découler le mal de la lutte
pour la survie et de la compétition sexuelle (avec Ceux des profondeurs, avec Yog-Sothoth
lui-même…), c’est-à-dire de l’idée même de vie telle qu’on la sait être dans sa
réalité au moins depuis Darwin. » (61-62)
« L’horreurr lovecraftienne est donc, en premier
lieu, dans l’absence de Dieu, mais en second lieu et c’est cela qui compte
peut-être le plus, dans la conscience de cette absence. Car après tout, en la
matière, la croyance fausse, c’est-à-dire l’âge des ténèbres, suffit presque
pour échapper au pire. « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du
soleil », comme l’écrivait René Char, et ce soleil dissipe les ténèbres
protectrices. Cette déchirure du rideau du Temple de la Création nous dévoile
qu’il n’y a ni créateur ni juge, car la théodicée athée de Lovecraft est
résolument exempte de téléologie. » (62)
« Les personnages de Lovecraft – la critique a souvent
insisté sur ce point – ne semblent ressentir véritablement la peur, et donc
commencer à se montrer prudent, que beaucoup trop tard. Ils sont comme aveugles
au danger. C’est qu’ils ne peuvent avoir peur de ce qui leur reste encore
inconnu. Il faut que l’inconnu se dévoile à eux pour que les héros
lovecraftiens ressentent enfin la peur et sombrent dans la folie ou attendent
l’oubli miséricordieux que seule la mort pourra leur apporter. Et ce qui se
révèle est toujours identique dans l’esprit de Lovecraft. Il s’agit d’annoncer
à l’homme la mauvaise nouvelle qu’il n’est qu’un animal parmi tant d’autres – y
compris extraterrestres – et qu’il n’est pas nécessairement au sommet de la
chaîne alimentaire ; que la seule loi est celle du plus fort et qu’il n’y
a pas de Dieu pour rendre une autre justice que celle qui naît dans l’immanence
d’un struggle for life cosmique. » (64)
« Dans ses fictions, Lovecraft témoigne souvent
d’un savoir ésotérique et fait fréquemment référence à l’occultisme, à la magie
(noire le plus souvent) mais aussi à la théosophie. » (65)
« Le cas le plus frappant est le Necronomicon.
Ce livre imaginaire a même fait l’objet d’un historique écrit par Lovecraft en
1927 et pris au sérieux par certains. L’invention était, d’ailleurs, trop belle
pour ne pas être exploitée en couvrant de son nom bien des essais littéraires
qui prétendaient, parfois sérieusement, être de véritables traductions de
l’ouvrage de l’arabe fou Abdul Alhazred. Il en va ainsi du fameux Necronomicon
de Simon publié en 1977 en vendu à plusieurs centaines de milliers
d’exemplaires.
Il faut reconnaître que Lovecraft a su jouer de
l’ésotérisme et de l’occultisme comme peu d’auteurs de littérature d’horreur.
Il a su les intégrer dans ses histoires en leur donnant une dimension bien
supérieure à leur propre prétention. Il leur a, pour tout dire, donne une
dimension cosmique. En effet, Lovecraft remplace les forces cachées et
surnaturelles qui sont supposées être l’objet de la connaissance occultiste ou
ésotérique par des forces naturelles, physiques, mais extraterrestres. C’est un
des coups de génie de Lovecraft et c’est l’une de ses inventions qui a eu le
plus grand impact.
En effet, si l’on en croit The Cult of Alien Gods de
Jason Calavito, la théorie – très en vogue dans les années 1960-70- selon
laquelle certains mystères supposés de l’histoire s’expliqueraient par la
visite d’extraterrestres à des époques très reculées, trouverait son origine
dans la fiction de Lovecraft. » (66)
« La thèse de Calavito explique lepassage d’une
invention littéraire à une croyance partagée par des millions de gens
aujourd’hui. Elle établit un lien indirect entre les écrits le Lovecraft et
l’ouvrage qui a popularisé l’idée en 1968, Erinnerungen an die Zunkuft :
Ungelöste Rätsel der Vergangenheit d’Erich von Däniken. Cet ouvrage est plus
connu sous son titre anglais, Chariots of the Gods. » (66)
« Le matin des magiciens fait passer de la
fiction lovecraftienne à la supposition historique la conceptions d’une origine
extraterrestre des savoirs les plus étonnants et des réalisations humaines les
plus inexpliquées. » (66)
« Pire, alors que pour Lovecraft cette origine
avait pour rôle dans sa fiction de rabaisser l’orgueil humain, chez les tenants
de cette pseudo-science, de Heaven’s Gate à Raël, elle démontre au contraire
l’exceptionnalité de l’homme. Les extraterrestres jouent alors le même rôle que
le Dieu des Chrétiens. » (67)
« Le moyen de connaître le créateur n’est plus
alors la théologie, mais la science commune. Seulement, c’est une science
trompeuse qui n’a que le badigeon du matérialisme, car elle est tautologique et
a pour point de départ ce qu’elle veut démontrer. Cette subversion de la
science – du même type que ce que l’on trouve chez les créationnistes, d’ailleurs
-, qui fait rentrer Dieu et la téléologie par la petite porte, apparaît
certainement aux yeux de l’athée Lovecraft, s’il était encore en vie, comme un
crime inexpiable contre l’intelligence. » (67)
« Certes, il est bien connu que dans le courant
des années 1930 il se réclame du socialisme et qu’il se rallie au New Deal de
F.D. Roosevelt. De là, beaucoup veulent inférer qu’il a cessé d’être
conservateur et raciste. » (70)
Lovecraft : Le dernier puritain – Cédric Monget
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