« j’ose à peine remuer
la cendre de ce souvenir. »
« Oui, j’ai aimé comme
personne au monde m’a aimé, d’un amour insensé et furieux, si violent que je
suis étonné qu’il n’ait pas fait éclater mon cœur. Ah ! quelles
nuits ! quelles nuits ! »
« Une minute après, je
rouvris les yeux, car à travers mes cils je la voyais étincelante des couleurs
du prisme, et dans une pénombre pourprée comme lorsqu’on regarde le
soleil. »
« Elle était assez
grande, avec une taille et un port de déesse : ses cheveux, d’un blond
doux, se séparaient sur le haut de sa tête et coulaient sur ses tempes comme
deux fleuves d’or ; on aurait dit une reine avec son diadème ; son
front, d’une blancheur bleuâtre et transparente, s’étendait large et serein sur
les arcs de deux cils presque bruns, singularité qui ajoutait encore à
l’effet de prunelles vert de mer d’une vivacité et d’un éclat insoutenables.
Quels yeux ! avec un éclair il décidaient de la destinée d’un
homme. »
« Des dents du plus bel
orient scintillaient dans son rouge sourire, et de petites fossettes se
creusaient à chaque inflexion de sa bouche dans le satin rose de ses adorables
joues. »
« Et je sentais la vie
monter en moi comme un lac intérieur qui s’enfle et qui déborde ; mon sang
battait avec force dans mes artères ; ma jeunesse, si longtemps comprimée,
éclatait d’un coup comme l’aloès qui met cent ans à fleurir et qui éclôt avec
un coup de tonnerre. »
« La vieille gouvernante
alla ouvrir, et un homme au teint cuivré et richement vêtu, mais selon une mode
étrangère, avec un long poignard, se dessina sous les rayons de la lanterne de
Barbara. »
« Au lieu de l’air
fétide et cadavéreux que j’étais accoutumé à respirer en ces veilles funèbres,
une langoureuse fumée d’essences orientales, je ne sais quelle amoureuse odeur de
femme, nageait doucement dans l’air attiédi. »
« ses longs cheveux
dénoués, où se trouvaient encore mêlées quelques petites fleurs bleues,
faisaient un oreiller à sa tête et protégeaient de leurs boucles la nudité de
ses épaules »
« La nuit s’avançait,
et, sentant approcher le moment de la séparation éternelle, je ne pus me
refuser cette triste et suprême douceur de déposer un baiser sur les lèvres
mortes de celle qui avait eu tout mon amour. O prodige ! un léger souffle
se mêla à mon souffle, et la bouche de Clarimonde répondit à la pression de la
mienne : ses yeux s’ouvrirent et reprirent un peu d’éclat, elle fit un
soupir, et, décroisant ses bras, elle les passa derrière mon cou avec un air de
ravissement ineffable. »
« Envelopée de ce fin
tissu qui trahissait tous les contours de son corps, elle ressemblait à une
statue de marbre de baigneuse antique plutôt qu’à une femme douée de
vie. »
« Elle posa la lampe sur
la table et s’assit sur le pied de mon lit, puis elle me dit en se penchant
vers moi avec cette voix argentine et veloutée à la fois que je n’ai connu qu’à
elle… »
« Elle avait reployé ses
talons sous elle et se tenait accroupie sur le bord de la couchette dans une
position pleine de coquetterie nonchalante. De temps en temps elle passait sa
petite main à travers mes cheveux et les roulait en boucles comme pour essayer
à mon visage de nouvelles coiffures. Je me laissais faire avec la plus coupable
complaisance, et elle accompagnait tout cela du plus charmant babil. Une chose
remarquable, c’est que je n’éprouvais aucun étonnement d’une aventure aussi
extraordinaire, et, avec cette facilité que l’on a dans la vision d’admettre
comme fort simples les évènements les plus bizarres, je ne voyais rien là que
de parfaitement naturel. »
« Ses prunelles se
ravivèrent et brillèrent comme des chrysoprases. »
« J’avais un bras passé
derrière la taille de Clarimonde et une de ses mains ployée dans la
mienne ; elle appuyait sa tête à mon épaule, et je sentais sa gorge
demi-nue frôler mon bras. Jamais je n’avais éprouvé un bonheur aussi
vif. »
« Clarimonde entendait
la vie d’une grande manière, et elle avait un peu de Cléopâtre dans sa
nature. »
« Avoir Clarimonde,
c’était avoir vingt maîtresses, c’était avoir toutes les femmes, tant elle
était mobile, changeante et dissemblable d’elle-même ; un vrai
caméléon ! »
« Elle, touchée de ma
douleur, me souriait doucement et tristement avec le sourire fatal des gens qui
savent qu’ils vont mourir. »
« depuis que je te
connais, j’ai tout le monde en horreur »
« Ne regardez jamais une
femme, et marchez toujours les yeux fixés en terre, car, si chaste et si calme
que vous soyez, il suffit d’une minute pour vous faire perdre
l’éternité. »
La Morte amoureuse –
Théophile Gautier
« Sur cet étrange
oreiller reposait une tête bien charmante, dont un regard fit perdre la moitié
du monde, une tête adorée et divine, la femme la plus complète qui ait jamais
existé, la plus femme et la plus reine, un type admirable, auquel les poètes
n’ont pu rien ajouter, et que les songeurs trouvent toujours au bout de leurs
rêves : il n’est pas besoin de nommer Cléopâtre. »
« Des cheveux noirs
comme ceux d’une nuit sans étoiles »
« Ah ! continua
Cléopâtre, je voudrais qu’il m’arrivât quelque chose, une aventure étrange, inattendue !
Le chant des poètes, la danse des esclaves syriennes, les festins couronnés de
roses et prolongés jusqu’au jour, les courses nocturnes, les chiens de Laconie,
les lions privés, les nains bossus, les membres de la confrérie des
inimitables, les combats du cirque, les parures nouvelles, les robes de byssus,
les unions de perles, les parfums d’Asie, les recherches les plus exquises, les
somptuosités les plus folles, rien ne m’amuse plus ; tout m’est
indifférent, tout m’est insupportable ! »
« le sommeil ne tarda
pas à jeter sa poudre d’or sur les beaux yeux de la sœur de Ptolémée. »
« Une large bande
violette, fortement chauffée de tons roux vers l’occident, occupe toute la
partie inférieure du ciel ; en rencontrant les zones d’azur, la teinte
violette se fond en lilas clair et se noie dans le bleu par une demi-teinte
rose ; du côté où le soleil, rouge comme un bouclier tombé des fournaises
du Vulcain, jette ses ardents reflets, la nuance tourne au citron pâle, et
produit des teintes pareilles à celles des turquoises. »
« Meïamoun, fils de
Mandouschopsch, était un jeune homme d’un caractère étrange ; rien de ce
qui touche le commun des mortels ne faisait impression sur lui ; il
semblait d’une race plus haute, et l’on eût dit le produit de quelque adultère
divin. Son regard avait l’éclat et la fixité d’un regard d’épervier, et la
majesté sereine siégeait sur son front comme sur un piédestal de marbre ;
un noble dédain arquait sa lèvre supérieure et gonflait ses narines comme
celles d’un cheval fougueux, quoiqu’il eût presque la grâce délicate d’une
jeune fille, et que Dionysius, le dieu efféminé, n’eût pas une poitrine plus
ronde et plus polie, il cachait sous cette molle apparence des nerfs d’acier et
une force herculéenne, singulier privilège de certaines natures antiques de
réunir la beauté de la femme à la force de l’homme.
Quant à son teint, nous
sommes obligé d’avouer qu’il était fauve comme une orange, couleur contraire à
l’idée blanche et rose que nous avons de la beauté ; ce qui ne l’empêchait
pas d’être un fort charmant jeune homme, très recherché par toute sorte de
femmes jaunes, rouges, cuivrées, bistrées, dorées, et même par plus d’une
blanche Grecque. »
« En toutes choses il
n’aimait que le périlleux ou l’impossible ; il se plaisait fort à marcher
dans des sentiers impraticables, à nager dans une eau furieuse, et il eût
choisi pour se baigner dans le Nil précisément l’endroit des cataractes :
l’abîme l’appelait. »
« C’était une de ces
nuits enchantées de l’Orient, plus splendides que nos plus beaux jours, car
notre soleil ne vaut pas cette lune. »
« Lorsqu’elle s’éveilla,
un gai rayon jouait dans le rideau de la fenêtre dont il trouait la trame de
mille points lumineux, et venait familièrement jusque sur le lit voltiger comme
un papillon d’or autour de ses belles épaules qu’il effleurait en passant d’un
baiser lumineux. Heureux rayon que les dieux eussent envié. »
« Un léger nuage rose,
se répandant sous la peau transparente de ses joues, en rafraîchissait la
pâleur passionnée ; ses tempes blondes comme l’ambre laissaient voir un
réseau de veines bleues ; son front uni, peu élevé comme les fronts
antiques, mais d’une rondeur et d’une forme parfaites, s’unissait par une ligne
irréprochable à un nez sévère et droit, en façon de camée, coupé de narines roses
et palpitantes à la moindre émotion, comme les naseaux d’une tigresse
amoureuse, la bouche petite, ronde, très rapprochée du nez, avait la lèvre
dédaigneusement arquée ; mais une volupté effrénée, une ardeur de vie
incroyable rayonnait dans le rouge éclat et dans le lustre humide de la lèvre
inférieure. Ses yeux avaient des paupières étroites, des sourcils minces et
presque sans inflexion. »
« ses cheveux délivrés
coulèrent en cascades noires sur ses épaules, et pendirent en grappes comme des
raisins mûrs au long de ses belles joues. »
Une nuit de Cléopâtre –
Théophile Gautier
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