« Il apparaît en effet que les masses ont
tort, et les individus toujours raison. »
« Son peigne d’ambre divisa la masse
soyeuse en longs filets orange pareils aux sillons que le gai laboureur trace à
l’aide d’une fourchette dans de la confiture d’abricots. »
« Le tapis se mit à baver en faisant des
grappes de petites bulles savonneuses. »
« Il avait le même âge que Colin,
vingt-deux ans, et des goûts littéraires comme lui, mais moins d’argent. »
« Les jeux de soleil sur les robinets
produisaient des effets féeriques. Les souris de la cuisine aimaient danser au
son des chocs des rayons de soleil sur les robinets, et couraient après les
petites boules que formaient les rayons en achevant de se pulvériser sur le
sol, comme des jets de mercure jaune. »
« -Ma sœur a mal tourné, Monsieur, dit
Nicolas. Elle a fait des études de philosophie. Ce ne sont pas des choses dont
on aime à se vanter dans une lignée fière de ses traditions… »
« Je l’ai rencontrée à une conférence de
Jean-Sol. Nous étions tous les deux à plat ventre sous l’estrade et c’est comme
ça que je l’ai connue. »
« -Et bien… dit Chick, je lui ai demandé
si elle aimait Jean-Sol Partre, et elle m’a dit qu’elle faisait collection de
ses œuvres… Alors, j’ai dit : moi aussi… et, chaque fois que je lui disais
quelque chose, elle répondait : moi aussi…, et vice versa… Alors à la fin,
juste pour faire une expérience existentialiste, je lui ai dit : je vous
aime beaucoup, et elle a dit : oh ! »
« Elle possédait des bras et des mollets
ronds, une taille fine et un buste si bien dessiné que l’on eût dit une
photographie. »
« -C’est l’orgueil de la famille, dit
Alise. Ma mère ne se console pas de n’avoir épousé qu’un agrégé de
mathématiques alors que son frère à réussi si brillamment dans la vie.
-Votre père est agrégé de mathématiques ?
-Oui, il est professeur au Collège de France
et membre de l’Institut ou quelque chose comme ça… dit Alise, c’est lamentable
à trente-huit ans. Il aurait pu faire un effort. Heureusement il y a once
Nicolas. »
« Puis il fit un signe de croix car le
patineur venait de s’écraser contre le mur du restaurant à l’extrémité opposée
de la piste, et restait collé là, comme une méduse de papier mâché écartelée
par un enfant cruel. »
« -Les boutiques des fleuristes d’ont
jamais de rideau de fer. Personne ne cherche à voler des fleurs. »
« -Pourquoi, peste diable boufre, dit
Colin, me parlez-vous toujours perpétuellement à la troisième
personne ? »
« La porte claqua derrière lui avec le
bruit d’une main nue sur une fesse nue… Ca le fit tressaillir… »
« La porte extérieure se referma sur lui
avec un bruit de baiser sur une épaule nue… »
« Elle se dégagea, saisit Colin par la
main et l’entraîna vers le centre de sudation. »
« Chloé avait les lèvres rouges, les
cheveux bruns, l’air heureux et sa robe n’y était pour rien.
-J’oserai pas ! dit Colin.
Et puis il lâcha Alise et alla inviter Chloé.
Elle le regarda. Elle riait et mit la main droite sur son épaule. Il sentait
ses doigts frais sur son cou. Il réduisit l’écartement de leurs deux corps par
le moyen d’un raccourcissement du biceps droit, transmis, du cerveau, le long
d’une paire de nerfs crâniens choisie judicieusement. »
« Il se fit un silence à l’entour, et la
majeure partie de reste du monde se mit à compter pour du beurre. »
«-Je voudrais, continua-t-il, être couché dans
de l’herbe un peu rôtie, avec de la terre sèche et du soleil, tu sais, de
l’herbe jaune comme de la paille, et cassante, avec des tas de petites bêtes et
de la mousse sèche aussi. On se met à plat ventre et on regarde. Il faut une
haie avec des pierres et des arbres tout tordus, et des petites feuilles. Ca
fait un bien considérable. »
« Dans le cristal, le vin luisait d’un
éclat phosphorescent et incertain, qu’on eût dit émané d’une myriade de points
lumineux de toutes les couleurs. »
« Il ne savait pas que faire avec Chloé.
Peut-être l’emmener dans un salon de thé, mais l’atmosphère en est,
d’ordinaire, plutôt déprimante, et les dames goinfres de quarante ans qui
mangent sept gâteaux à la crème en détachant l’auriculaire, il n’aimait pas
ça. »
« -C’est merveilleux ! dit Colin.
Vous sentez la forêt, avec un ruisseau et des petits lapins. »
« Alise regarda Colin avec tendresse. Il
était si gentil qu’on voyait ses pensées, bleues et mauves, s’agiter dans les
veines de ses mains fines. »
« -Ne me remercie pas, dit Colin. Ce qui
m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes, c’est celui de
chacun. »
« L’aîné s’appelait Coriolan. Il avait
les cheveux noirs et frisés, la peau blanche et douce, un air de virginité, le
nez droit et les yeux bleus derrière de grands cils jaunes. »
« Alise et Isis étaient habillées de la
même façon mais leur robe était couleur d’eau. Leurs cheveux frisés brillaient
dans le soleil et s’arrondissaient sur leurs épaules en masses lourdes et
odorantes. »
« La niche formée par la plate-forme,
sous le lit, servait de boudoir. Il s’y trouvait des livres et des fauteuils
confortables, et la photographie du Dalaï-Lama. »
« Ce que je veux dire, c’est qu’ils
travaillent pour vivre au lieu de travailler à construire des machines qui les
feraient vivre sans travailler. »
« -Je t’ai dit que je t’aimais bien, en
gros et en détail.
-Alors, détaille, murmura Chloé, en se
laissant aller dans les bras de Colin, câline comme une couleuvre. »
« Nombreux étaient les cas
d’évanouissement dus à l’exaltation intra-utérine qui s’emparait plus
particulièrement du public féminin, et, de leur place, Alise, Isis et Chick
entendaient distinctement le halètement des vingt-quatre spectateurs qui s’étaient
faufilés sous l’estrade et se déshabillaient à tâtons pour tenir moins de
place. »
« Des fleurs vertes et bleues poussaient
le long des trottoirs, et la sève serpentait autour de leurs tiges minces avec
un léger bruit, humide comme un baiser d’escargots. »
« Ses cheveux mousseux flottaient
librement et exaltaient une douce vapeur parfumée de jasmin et d’œillet. »
« -Vous êtes tous les mêmes, dit-il, vous
croyez que les femmes ont besoin d’être jolies. »
«-J’ai mal… murmura Chloé.
Des larmes grosses comme des yeux parurent au
coin de ses paupières et tracèrent des sillons froids sur ses joues rondes et
douces. »
« -Vous n’aimez pas le travail ? dit
l’antiquaire.
-C’est horrible, dit Colin. Ca rabaisse l’homme
au rand de machine. »
« Sa figure était claire et tendre sur
les draps bleu lavande ourlés de pourpre. »
« Colin apparut. Il avait une grosse
gerbe de lilas dans les bras. »
« Elle posa le bouquet sur le second
oreiller, se tourna sur le côté et enfouit sa figure dans les grappes blanches
et sucrées. »
« Elle respirait avidement le parfum des
lilas qui se déployait en volutes lentes autour de ses cheveux brillants. »
« -Vous allez me faire perdre mes moyens
d’existence, dit Jean-Sol. Comment voulez-vous que je touche mes droits d’auteur
si je suis mort ? »
« -Vous savez, dit le Religieux, j’ai l’habitude,
alors ça ne me fait plus d’effet. Je devrais vous conseiller de vous adresser à
Dieu, mais j’ai peur que pour une si faible somme, ce ne soit contre-indiqué de
le déranger. »
« Il disparut au milieu d’une vapeur qui
s’effilochait comme des filets de sucre dans l’eau d’un sirop. »
L’écume des jours – Boris Vian
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