« La vanité innée, particulièrement irritable en ce qui
concerne les facultés intellectuelles, ne veut pas accepter que notre
affirmation se révèle fausse, ni que celle de l’adversaire soit juste. Par
conséquent, chacun devrait simplement s’efforcer de n’exprimer que des
jugements justes, ce qui devrait inciter à penser d’abord et à parler ensuite.
Mais chez la plupart des hommes, la vanité innée s’accompagne d’un besoin de
bavardage et d’une malhonnêteté innée. »
« le vrai doit paraître faux et le faux vrai. »
« Si un homme ne manifeste donc pas facilement un
manque de logique naturelle, il peut en revanche manifester un manque de
dialectique naturelle ; c’est un don de la nature inégalement partagé
(semblable en cela à la faculté de jugement qui est très inégalement partagée,
alors que la raison l’est à vrai dire équitablement). »
« il faut connaître les stratagèmes malhonnêtes pour
leur faire face. »
« toucher et parer, c’est cela qui importe. »
« C’est la raison pour laquelle la dialectique ne doit
accepter comme finalité dans sa définition que l’art d’avoir toujours raison et
non la vérité objective. »
« Car plus une affirmation devient générale, plus elle
est en butte aux attaques. »
« Car le vrai peut aussi résulter de fausses prémisses,
alors que le faux ne peut jamais découler de vraies prémisses. »
« En ce qui concerne l’entraînement à la dialectique,
le dernier chapitre des Topiques d’Aristote contient de bonnes règles. »
« Poser beaucoup de questions à la fois et élargir le
contexte pour cacher ce que l’on veut véritablement faire admettre. En
revanche, exposer rapidement son argumentation à partir des concessions
obtenues, car ceux qui sont lents à comprendre ne peuvent suivre exactement la
démonstration et n’en peuvent voir les défauts ou les lacunes
éventuelles. »
« Mettre l’adversaire en colère, car dans sa fureur il
est hors d’état de porter un jugement correct et de percevoir son
intérêt. »
« Ne pas poser les questions dans l’ordre exigé par la
conclusion qu’il faut en tirer, mais dans toutes sortes de permutations :
il ne peut savoir ainsi où l’on veut en venir et ne peut se prémunir. »
« Le mot « protestant » a été choisi par eux,
de même le mot « évangélique », mais le mot « hérétique »
l’a été par les catholiques. »
« Un orateur trahit souvent à l’avance ses intentions
par les noms qu’il donne aux choses. L’un dit « clergé » et l’autre
« les curetons ». De tous les stratagèmes, c’est celui qui est le
plus souvent employé, instinctivement. Prosélytisme = fanatisme. Faux pas ou
escapade = adultère. Equivoques = obscénités. Mal en point = ruiné. Influence
et relations = corruption et népotisme. Sincère reconnaissance = bonne
rémunération. »
« Si nous devons dire pourquoi une certaine hypothèse
physique n’est pas fiable, nous parlerons du caractère fallacieux du savoir
humain et l’illustrerons par toutes sortes d’exemples. »
« celui qui est le spécialiste, c’est l’adversaire, pas
les auditeurs. A leurs yeux, c’est donc lui qui est battu, surtout si
l’objection fait apparaître son affirmation sous un jour ridicule. »
« En revanche, les gens du commun ont un profond
respect pour les spécialistes en tout genre. Ils ignorent que la raison pour
laquelle on fait profession d’une chose n’est pas l’amour de cette chose mais
de ce qu’elle rapporte. Et que celui qui enseigne une chose la connaît rarement
à fond car s’il l’étudiait à fond il ne lui resterait généralement pas de temps
pour l’enseigner. »
« Ce sont les autorités auxquelles l’adversaire ne
comprend pas un traître mot qui font généralement le plus d’effets. Les
ignorants ont un respect particulier pour les figures de rhétorique grecques et
latines. »
« un grand nombre de personnes se sont fiées à ces
dernières, leur paresse les incitant à croire d’emblée les choses plutôt que de
se donner le mal de les examiner. Ainsi s’est accru de jour en jour le nombre
de ces adeptes paresseux et crédules ; car une fois que l’opinion eut pour
elle un bon nombre de voix, les suivants ont pensé qu’elle n’avait pu les
obtenir que grâce à la justesse de ses fondements. Les autres furent alors
contraints de reconnaître ce qui était communément admis pour ne pas être
considérés comme des esprits inquiets s’insurgeant contre des opinions
universellement admises, et comme des impertinents se croyant plus malins que
tout le monde. Adhérer devint alors un devoir. Désormais, le petit nombre de
ceux qui sont absolument incapables de se forger une opinion et un jugement à
eux, et qui ne sont donc que l’écho des opinions d’autrui. Ils en sont
cependant des défenseurs d’autant plus ardents et intolérants. »
« Bref, très peu de gens savent réfléchir, mais tous
veulent avoir des opinions ; que leur reste-t-il d’autre que de les
adopter telles que les autres les leur proposent au lieu de se les forger
eux-mêmes ? Puisqu’il en est ainsi, que vaut l’opinion de cent millions
d’hommes ? »
« Néanmoins, on peut, quand on se querelle avec des
gens du commun, utiliser l’opinion universelle comme autorité. »
« Si on ne sait pas quoi opposer aux raisons exposées
par l’adversaire, il faut, avec une subtile ironie, se déclarer
incompétent »
« Car, en général une once de volonté pèse plus lourd
qu’un quintal d’intelligence et de conviction. »
« Déconcerter, stupéfier l’adversaire par un flot
insensé de paroles. »
« Et dans le but de s’appuyer sur des arguments fondés
et non sur des sentences sans appel : et pour écouter les raisons de
l’autre et s’y rendre ; des gens dont on sait enfin qu’ils font grand cas
de la vérité, qu’ils aiment entendre de bonnes raisons, même de la bouche de
leur adversaire, et qu’ils ont suffisamment le sens de l’équité pour pouvoir
supporter d’avoir tort quand la vérité est dans l’autre camp. Il en résulte que
sur cent personnes il s’en trouve à peine une qui soit digne qu’on discute avec
elle. »
L’art d’avoir toujours
raison – Arthur Schopenhauer
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire